Pour une première audition par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée, le 27 mars, Nicole Belloubet fait preuve d’humour et d’une grande aisance. Elle veut surtout montrer qu’elle est aux affaires. Elle apporte des précisions sur les questions du jour. Ce sont 2830 emplois ETP qui seront affectés aux groupes dans les collèges, en espérant trouver les contractuels nécessaires. Sur le mouvement du 93, la ministre estime que beaucoup a déjà été fait et promet le paiement de la prime de fidélisation en mai. La réforme de la formation initiale n’est pas encore arbitrée. Et c’est avec prudence qu’elle veut avancer sur la mixité sociale à l’École ou la réforme de la carte de l’éducation prioritaire…
Une ministre à l’aise
Invitée à choisir entre l’école de Jaurès et celle d’Attal par le député écolo Benjamin Lucas, Nicole Belloubet cite de mémoire la Lettre aux instituteurs de Jaurès… en ajoutant que c’est cela que veulent le président de la République et le Premier ministre. « J’utiliserai ma latitude d’action (de ministre) dans la ligne du président de la République et du gouvernement« , dit-elle aussi. En réponse au député RN Roger Chudeau qui dresse un tableau apocalyptique de l’École , elle répond que « ce n’est pas une débâcle, mais une renaissance« … Incontestablement, N. Belloubet est à l’aise pour répondre aux députés. Elle charme par ses réparties et son humour tout en manifestant son autorité.
2830 emplois pour le collège
Interrogée sur la réforme du collège, N Belloubet se garde de parler de groupes de niveau. Pour elle, les groupes permettront « de donner de meilleures chances à tous les élèves avec une pédagogie différenciée« . Elle réfute tout tri social. Elle confirme que les enseignants devront travailler ensemble pour organiser leur progression et ils le feront sous contrôle des IPR. La ministre annonce 2830 emplois ETP en français et en maths pour mettre en place la réforme. Jusque là le ministère parlait de 2300 ETP. Pour les trouver, le ministère cherche dès maintenant des contractuels. Il n’est pas certain qu’il les trouve.
Elle est peu convaincante aussi quand elle présente les futures classes de prépa seconde comme un moyen de lutter contre le décrochage. Ce sera le cas « si on fait appel à des pédagogies innovantes » dit-elle. Mais les horaires de ces classes montrent bien que l’effort est fait sur la réorientation des élèves qui y iront et non sur la consolidation de leurs connaissances.
Mais pour le 93 ?
Car c’est sur la question des moyens que N Belloubet est la moins convaincante. Elle estime que les collèges ont assez de moyens pour à la fois maintenir les options et installer les groupes, ce qui est démenti à beaucoup d’endroits. Il est vrai que la ministre déclare aussi que le retrait de 700 millions du budget de l’Éducation nationale, dont 500 millions destinés aux salaires, n’aura aucun impact sur l’emploi…
Pressée par les députés de gauche (LFI, GDR, PS) de recevoir l’intersyndicale du 93, en grève depuis 5 semaines, la ministre répond que beaucoup a été fait par l’État dans le 93. Ce n’est évidemment pas ce que constatent les enseignants du département qui demandent un plan 93 à hauteur de 358 millions. Elle va recevoir les parlementaires du département, pas l’intersyndicale. Mais elle annonce le paiement de la prime de fidélisation, versée à tous les fonctionnaires du département, en mai.
Faux semblants sur la citoyenneté
Interrogée sur le doublement de l’horaire de l’EMC, elle précise qu’il y aura une demi-heure fléchée dans les emplois du temps et une demi-heure de partage de projets « ayant à voir avec l’EMC. On pourra mobiliser les professeurs documentalistes pour porter cette demi-heure« , dit-elle. Sans surprise, il n’y aura donc pas formellement de doublement.
N Belloubet joue aussi avec les mots à propos du départ du proviseur du lycée Ravel de Paris. Il n’a pas démissionné , selon la ministre. Il a une autorisation spéciale d’absence jusqu’à la fin de l’année où il part en retraite…
Arbitrages attendus sur la formation
La ministre se montre aussi prudente sur la formation initiale, la réforme de la carte de l’éducation prioritaire et ce qui était sa signature, la mixité sociale à l’École.
Sur la formation initiale des enseignants, N Belloubet décrit une réforme avec des filières « clairement identifiées » et un concours favorisant l’attractivité. Mais c’est pour ajouter qu’elle « attend les arbitrages« . La maquette qui circule en ce moment ne serait donc pas définitive. « On a encore quelques semaines » pour arriver au résultat final. « La question des INSPE fait partie des arbitrages« .
Prudence sur la mixité sociale
Prudence aussi sur la réforme de la carte de l’éducation prioritaire. « C’est dans ma lettre de mission, mais personne n’a osé s’y attaquer« , dit-elle. « Beaucoup souhaitent y entrer, mais peu en sortir. Je vais m’y attaquer, mais je ne donne pas de date« . Jusque là, la carte était annoncée avec celle des quartiers de la politique de la Ville pour 2025.
Plus significative est sa prudence sur la mixité sociale. « La volonté politique est là, mais je sais la difficulté du dossier », dit N. Belloubet. « Je ne veux pas rallumer la guerre scolaire. Mais je suis dans l’état d’esprit que nous devons ensemble porter un certain nombre de priorités. La mixité est importante ».
Arrivée depuis quelques semaines aux affaires, N Belloubet veut marquer qu’elle est aux affaires. Mais qu’elle s’inscrit dans un cadre gouvernemental. Entre Jaurès et Attal, finalement serait-ce Attal ?
François Jarraud