Jeudi 7 mars, les personnels des écoles, collèges et lycées de Seine-Saint-Denis étaient appelés à faire grève – certain·es le sont depuis le 26 février – pour demander un plan d’urgence pour le 93 et l’abandon du Choc des savoirs. Une mobilisation réussie pour les organisations syndicales qui revendiquent 45% de grévistes dans le premier degré, 60% dans le second. « Avec des taux qui atteignent à 90% à Dugny ou au Bourget » selon la FSU-SNUipp. Réunis place de la Sorbonne à Paris, ils et elles étaient 4 500. Un nombre loin d’être négligeable au regard du nombre d’enseignant·es du département. Le rectorat reconnait, quant à lui, 22% de grévistes, soit 7% de plus que le 26 février.
Débuté le 26 février dernier, le mouvement de contestation séquano-dionysien pour un Plan d’urgence pour le 93 prend de l’ampleur. Un constat que ne nie pas le rectorat qui reconnait 22% d’enseignants et enseignant·es grévistes jeudi 7 mars contre 15% le 26 février.
« Cette mobilisation est très réussie », se félicite Marie-Hélène Plard, secrétaire départementale de la FSU-SNUipp. « La manifestation est elle aussi une réussite. Nous étions 4 500 à Paris, sur 33 000 enseignants. C’est énorme. Ça dit quelque chose de la force de notre mouvement ». Selon la responsable syndicale, à Dugny ou au Bourget, 90% des enseignants et enseignantes étaient en grève.
Cette réussite, Louise Poternoster de la CGT Éduc’Action, l’attribue à la force de l’intersyndicale qui à partir de l’automne à pris acte des conditions de rentrée très difficile dans le 93, particulièrement cette année. « Il y a d’ailleurs eu plusieurs établissements qui se sont mobilisés dès le mois de septembre, avec des collègues qui ont débraillés », rappelle la co-secrétaire départementale de la CGT Éduc’Action. « Le fait de recenser les doléances des collègues dans les écoles et établissements a permis de leur donner la parole et leur montrer qu’ils pouvaient agir. C’est ce que nous appelons la bataille des idées chez nous », explique la responsable syndicale qui fait le parallèle avec la mobilisation au Québec.
« On écrit les pages de l’histoire de l’éducation du 93 », déclare Louise Poternoster. « On a une force syndicale assez rare dans notre département, avec beaucoup de syndiqués qui se sont investis sur le terrain, en faisant le tour des écoles et établissements pour expliquer le Plan d’urgence que nous réclamons. Ils et elles ont organisé des assemblées générales, des réunions avec les parents, avec les élus… Les collègues ont pu se rendre compte de la force du collectif ». À Aulnay-Sous-Bois, par exemple, ces réunions ont réuni plus de 200 personnes, parents, enseignant·es, élu·es…
4 500 manifestants place de la Sorbonne
Le recul de la ministre sur les groupes de niveaux remplacés par des groupes de besoin avec des possibilités d’aménagement a donné de l’espoir aux manifestants et manifestantes comme l’explique Éric, professeur de mathématiques dans un collège de l’ouest du département. « Quand on se mobilise, ça paie. La preuve », nous dit-il. C’est la deuxième journée de grève à l’actif de cet enseignant qui assure qu’il fera aussi la prochaine. « On ne peut tout simplement pas continuer comme ça. Les différents scandales d’Amélie Oudéa-Castéra ont permis de rendre tangibles ce deux poids deux mesures. Nos élèves ne méritent-ils pas aussi de beaux locaux, des salles de sport, des piscines ? ». « Au moins le chauffage », raille-t-il.
Linda est professeure des écoles, depuis, le 26 février, c’est sa troisième journée de grève. Et si elle est mobilisée, ce n’est pas par solidarité pour les collègues de collèges concernés en premier lieu par la réforme du collège, comme elle a pu l’entendre, précise-t-elle. « Il y en a ras-le-bol. Vraiment ras-le-bol, conditions de travail, réformes qui n’ont aucun sens et locaux insalubres… Ce métier, quand on le fait, c’est qu’on y croit. C’est que l’on croit que tous nos élèves peuvent réussir. Et notre rôle, puisque le pouvoir politique s’en fiche, c’est de nous battre pour qu’ils y arrivent ». Linda enseigne depuis 23 ans, 23 ans en Seine-Saint-Denis, 23 ans en éducation prioritaire. « Avec mon ancienneté, j’aurais pu demander des endroits moins problématiques, ou demander à retourner dans le nord dont je suis originaire. Mais j’aime enseigner dans nos écoles, j’ai la sensation de servir à quelque chose… Mais depuis quelques années, j’ai aussi la sensation de tromper mes élèves en leur expliquant que pour y arriver, suffit de le vouloir ». Elle dénonce aussi l’insalubrité des locaux. Dans son école, trois préfabriqués font office de classe. « En début d’année, je recouvre les murs de grandes feuilles de couleur vive pour égayer les lieux. Sinon c’est la déprime ».
Émilie, professeure des écoles elle aussi, était du rassemblement parisien. C’était sa première journée de grève depuis la rentrée de février. Elle s’est mobilisée pour « un plan d’urgence en Seine-Saint-Denis et contre le choc des savoirs ». C’est la seule de son école. « Depuis la rentrée, je suivais le mouvement, je passais devant des collèges qui affichent des banderoles. Ça me travaillait. Alors je suis allée à une assemblée générale de lundi midi à Aulnay-sous-Bois, le lendemain à une réunion publique ». « On sent qu’il y a un truc qui démarre très fort », ajoute l’enseignante qui assure qu’elle sera de la prochaine mobilisation.
Réuni·es en assemblée générale après la manifestation, les enseignant·es ont décidé la poursuite de la grève. L’intersyndicale – CGT Éduc’Action, CNT, FSU, FO et SUD éducation – n’a toujours pas été reçue par le ministère malgré ses multiples demandes et le soutien des organisations syndicales nationales.
Lilia Ben Hamouda
Pas de rentrée pour les élèves du 93