Mis à jour le 23 février – Le décret annulant 10 milliards de dépenses est paru le 22 février au Journal officiel. L’Education nationale rend 692 millions, essentiellement destinés à financer des emplois. Cela pourrait signifier 2620 postes d’enseignants qui ne peuvent plus être financés dans le 1er degré public, 1740 dans le second degré public et 1760 postes dans le privé. Enfin l’équivalent de 4600 postes d’AED et AESH ne pourraient aussi ne pas êtres financés. Selon le ministère, ces crédits sont ceux du fonds de réserve et leur annulation n’a aucun impact sur les emplois. Comme si ces sommes n’étaient pas utilisées pour payer les enseignants en fin d’année normale et nécessaires à la mise en place du « choc des savoirs ». Pour les syndicats, il est clair que sans ces 700 millions il est impossible de mettre en place la réforme du collège. Sauf si le gouvernement envisage de réformer aussi les obligations de service ou la carrière des enseignants.
700 millions annulés au budget 2024
Le décret répartissant 10 milliards d’annulation de crédits est paru au Journal officiel du 22 février. “Tous les ministères contribueront à hauteur de ce qu’ils représentent dans le budget national” avait dit Bruno Le Maire en présentant son plan d’économie le 18 février. Finalement l’Education nationale paie son du avec 692 millions annulés dans son budget. Il faut y ajouter l’annulation de 500 millions du plan d’accompagnement à la transition écologique qui devrait affecter, dans une proportion qui reste à déterminer, le « plan vert » pour améliorer la qualité thermique des écoles.
Sur les 692 millions, 479 sont inscrits au « Titre 2 » c’est à dire servent à payer les emplois. Ainsi 138 millions sont prélevés sur le 1er degré public dont 131 millions en « titre 2 ». Ce sont 2620 emplois d’enseignants qui ne sont pas financés. Dans le second degré public, 123 millions sont annulés dont 87 en titre 2, soit 1740 postes d’enseignants. La mission Vie de l’élève doit rendre 262 millions dont 164 en Titre 2. Ce sont environ 4600 équivalent emplois d’AED et AESH qui ne sont pas financés. Le privé est lui aussi touché avec 99 millions annulés dont 88 en titre 2, soit 1760 postes. Enfin le « soutien » à l’éducation nationale doit rendre 61 millions. Mais ce ne sont pas des emplois.
Une gestion d’amateurs
On notera d’abord la légèreté de la gestion de l’Education nationale. Il y a deux mois, jour pour jour, Gabriel Attal, ministre de l’Education nationale annonçait la création de 2137 postes d’enseignants par rapport au budget 2024 prévu pour permettre l’application de ses réformes. Deux mois plus tard il en supprime plus du double.
Les réponses du ministère
Interrogé par le Café pédagogique, le ministère fait savoir que « les crédits de titre 2 annulés sont des crédits mis en réserve donc dont ne disposait pas le ministère. Ce sont des crédits « gelés » en début d’année pour faire face à des aléas. Les annuler n’a donc aucun impact sur les emplois. Cela n’aura aucun impact sur les annonces déjà faites concernant la rentrée scolaire ou sur le choc des savoirs« .
Certes, ce ne sont pas des postes actifs qui sont supprimés comme a pu le laisser penser un premier article. Et il y a bien des crédits mis en réserve dans les ministères. Mais cela ne veut pas dire que le budget voté dépasse les besoins. En année normale, le ministère pioche dans ces réserves pour assurer la rentrée et la paye en fin d’année. S’il rend de l’argent en fin d’année, comme cela s’est vu encore en 2023, ce n’est pas 700 millions. Dans ce cas précis, le budget a été conçu en juillet et adopté à l’automne. C’est à dire bien avant la réforme couteuse du « choc des savoirs ». Celle-ci nécessite des moyens supplémentaires. Aussi, si les emplois correspondant aux 479 millions supprimés en titre 2 ne sont pas indispensables immédiatement, ils vont manquer à la rentrée pour la mise en place du « choc des savoirs ».
Vers l’annulation des réformes Attal ?
Car ces annulations de crédit touchent donc de plein fouet les réformes lancées par Gabriel Attal. La mise en place des groupes de niveau doit consommer près de 7000 postes. Le ministère pensait la faire avec seulement 2300 emplois. Il vient de se priver de toute marge de manœuvre. Il se prive aussi des moyens nécessaires à la une revalorisation des enseignants. Les conditions semblent réunies pour un report des réformes Attal. On ne réforme pas l’Education nationale en supprimant des moyens. Ou alors le ministère envisage t-il d’accélérer des réformes structurelles, notamment sur la carrière des enseignants, comme nous l’évoquions le 19 février ? Le gouvernement a encore le temps d’aller vers cette voie. C’est ce que laisse entendre le Sgen-Cfdt (voir plus bas).
Pour les syndicats, le retrait des 700 millions sonne la fin du « choc des savoirs ». » Le ministre de l’économie annonce des suppressions de postes dans l’éducation quelques semaines après l’annonce de créations pour permettre la réalisation des mesures annoncées par le ministre de l’éducation nationale devenu depuis chef du gouvernement. On s’y perd« , écrit l’Unsa Education. « Avec ces coupes budgétaires, le gouvernement renonce dans les faits à une mise en place réelle des mesures du « choc des savoirs » à la rentrée prochaine et doit l’annoncer sans délai, sous peine de décrédibiliser l’action publique et la parole politique ».
» Cette saignée confirme une fois de plus le renoncement de ce gouvernement à recruter des personnels en améliorant leurs conditions de travail, de rémunération, d’avancement, pour rendre les professions attractives et garantir la bonne réalisation des missions de service public auprès de tous les élèves », écrit le Snes Fsu. « Elle révèle aussi définitivement l’imposture des annonces « choc des savoirs » de décembre dernier, par lesquelles, le ministre Attal devenu depuis chef de gouvernement, prétendait pouvoir mobiliser de la masse salariale dans un « schéma d’emploi complémentaire », au besoin avec la bienveillance de Bercy… Le « choc des savoirs » et ses groupes de niveau, ségrégatif et désormais officiellement sans moyens, doivent être abandonnés« .
» Le gouvernement fait le choix de supprimer des crédits permettant de payer celles et ceux qui enseignent, encadrent les élèves dans les services de vie scolaire, se préparent au métier d’enseignant, organisent concrètement le service public d’enseignement en fait vraisemblablement« , écrit le Sgen Cfdt. « Il n’y a pas la réalité budgétaire en cohérence avec la volonté affichée d’avoir un professeur devant chaque classe, et sans doute les difficultés à assurer l’enseignement seront-elles encore plus fortes à la rentrée 2024. Pour le Sgen-CFDT, si la tactique du gouvernement est ensuite d’augmenter la charge de celles et ceux qui sont en poste par le recours accru aux heures supplémentaires, au pacte, à la non-comptabilisation des heures travaillées des administratifs, ce serait parier sur l’épuisement des agents ».
Des annulations anti-sociales
Tous les ministères n’ont pas à subir des annulations comme l’Education nationale. La Défense aurait dû rendre 750 millions. Elle n’en rend finalement que 105. L’Intérieur est aussi peu concerné. Sont particulièrement frappés l’aide au développement (742 millions), l’enseignement supérieur (904 millions annulés), l’écologie (2.2 milliards annulés dont 1 sur le plan climat – énergie), l’aide au logement (300 millions, le handicap (230 millions), les aides à l’emploi (1.1 milliard). Pour récupérer 10 milliards, le gouvernement tape sur le social dont l’Ecole. Ce n’est pas une surprise…
François Jarraud
Le budget revu en décembre 2023
Vers des réformes de structure