Comment créer du plaisir et de l’engouement autour des maths ? Lydie El Halougi, enseignante de mathématiques au collège Eugène Delacroix de Roissy-en-Brie (77) a ouvert un club de maths pour les élèves de la 6ème à la 3ème. Prise de confiance, origamis, exercices d’entraînements, les propositions sont multiples et permettent « un esprit d’entraide et de joyeuse coopération ». Sélectionnée au Forum des enseignants innovants de Poitiers, l’enseignante propose aussi un sac à maths pour être diffusé dans les familles.
Que fait-on dans votre club de maths ?
On vient jouer, passer un moment agréable, chercher à plusieurs, développer des stratégies mathématiques, créer quelque chose de beau – figure géométrique, origami. On vient se rassurer parfois, pour s’entraîner avant une évaluation : apprendre aussi, de ceux qui s’entraînent !
En quoi consiste concrètement un sac à maths et comment sont-ils utilisés par les élèves et leurs familles ?
Un sac à maths (d’après l’initiative de Sonia Marichal, développée par l’association Les Maths en Scène) contient au moins un jeu, un livre et une activité algorithmique, le tout en lien avec les maths. Chaque sac est prêté pour une durée de deux semaines environ à un élève, pour diffuser dans les familles la culture mathématique et le plaisir de jouer avec les maths. Très vite, les élèves s’emparent du dispositif : “je vais prendre ce sac parce que ce jeu va plaire à mon petit frère”, “j’ai envie de jouer à ce jeu avec mes parents”, “je vois mes cousins ce week-end, ils seront contents”, …
Via les sacs à maths, on dédramatise les maths dans les familles, on redonne confiance à tous, on travaille des automatismes pour toute la famille hors temps scolaire, et on prend le temps de chercher et de développer des stratégies. Et, bien sûr, on associe le plaisir de la lecture au plaisir des mathématiques !
Comment le projet a-t-il évolué au fil du temps ?
J’ai toujours tenu à montrer aux élèves les mathématiques que j’aime : ce ne sont pas les exercices d’application – nécessaires pour automatiser les procédures, mais les problèmes ludiques, la beauté des figures et des surfaces. Au tout début de ma carrière, je proposais des livres de fond de classe que les élèves pouvaient emprunter en classe, quand ils avaient fini leur travail, ou le week-end et durant les vacances. Mes premiers livres étaient justement ceux qui m’avaient fait voir les maths autrement à 14 ans: la Géométrie pour le Plaisir, de J et L Denière, et mes annales du championnat des jeux mathématiques et logiques – le pin’s tourneur et la biroulette russe.
Petit à petit, j’ai ajouté des romans en lien avec les maths, comme le Théorème du Perroquet. J’ai également commencé à afficher des énigmes au tableau. Les élèves aimaient beaucoup, mais j’étais limitée par mon budget personnel – pas de financement possible par mon collège dont le budget est serré.
Avec les énigmes, les élèves se sont mis à rester pendant les récréations pour les résoudre, qu’ils soient ou non en réussite en cours. J’ai remarqué que certains élèves, souvent en difficulté, prenaient aussi confiance en eux.
Il y a 3 ans, j’ai lancé un club Rubik’s cube – cette année-là, on pouvait recevoir 20 cubes gratuitement en déclarant le club. J’avais moi-même tout oublié de la résolution et je comptais m’y remettre avec les élèves. Mais les volontaires sont arrivés avec des niveaux très variés : certains maîtrisaient déjà très bien différentes techniques, et ont spontanément aidé les débutants !
Forte de cette expérience, j’ai décidé d’ouvrir un club maths : j’y ai retrouvé le même esprit d’entraide et de joyeuse coopération qu’au club Rubik’s cube: le moment préféré de ma journée! Où tout le monde se retrouve, de la 6e à la 3e, déjà à l’aise ou non en maths, et prend plaisir à jouer avec les maths.
La première année, je n’avais pas suffisamment de matériel pour le club et les sacs à maths – les achats se faisant sur mon budget personnel. Mais, dès l’ouverture de la campagne Notre École, Faisons-l’Ensemble, j’ai déposé un projet – ambitieux puisqu’il s’agissait d’étendre les sacs à maths du CP à la Terminale, sur toute la ville. Et le projet a été validé ! Désormais, nous avons suffisamment de matériel pour deux clubs de maths différents au collège, les sacs à maths, et pour prêter du matériel aux collègues des écoles et du lycée.
Quels impacts avez-vous observé sur les élèves en termes de motivation, d’engagement et de perception des mathématiques ?
Les élèves viennent bien sûr pour jouer. Ceux qui aiment déjà les mathématiques ou qui sont à l’aise avec les mathématiques partagent un moment agréable entre amis, tout en faisant une activité qui plaît à tous. Ils sont aussi très heureux d’expliquer des consignes ou des notions, ou de diriger des recherches.
Et les autres? Ils ont tous un point d’accroche ! Les énigmes, les puzzles, les rubik’s cubes… Certains élèves habituellement en difficulté se retrouvent en position de sachant et aident leurs camarades à appliquer une méthode, ce qui leur redonne confiance en eux. Et les maths là-dedans? Une fois que ces élèves maîtrisent un jeu, ils s’attaquent à un jeu similaire. Là intervient la démarche mathématique, la compréhension, la stratégie, la recherche.
Et l’erreur est naturelle quand on joue, elle fait partie du jeu. Les élèves apprennent eux aussi à utiliser leurs erreurs comme étapes d’apprentissage.
Bien sûr, les élèves sont conscients que le club est différent du cours de mathématiques. Ils s’aperçoivent qu’en classe, ils ne rencontrent qu’une toute petite partie des mathématiques, et que les mathématiques peuvent procurer beaucoup de plaisir.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Sur le Forum des Enseignants Innovants