Gabriel Attal a beau parler de « choix historique ». Les aménagements budgétaires qu’il annonce le 21 décembre ne lui permettent toujours pas de mettre en place les mesures présentées le 5 décembre. Pour enseigner dans les groupes de niveau de 6ème et 5ème installés à la prochaine rentrée il faudrait d’autres moyens. Le ministre n’anticipe pas non plus la hausse des redoublements qu’il a pourtant appelé de ses vœux. C’est le devenir des élèves les plus faibles qui reste opaque.
Le schéma d’emplois 2024 modifié
» On a un schéma d’emploi inédit depuis 2017« , assure Gabriel Attal. Le ministre de l’éducation nationale a présenté ce matin un nouveau « schéma d’emplois » qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse.
La loi de finances 2024 prévoit 2440 suppressions de postes. Alors que le texte n’est pas encore adopté, G. Attal annonce le 21 décembre une modification du schéma d’emplois des enseignants. Dans le premier degré, le nombre de suppressions de postes passe de 1709 à 650. Dans le second degré, au lieu de 484 suppressions de postes il y aura 594 créations de postes.
« On a fait le choix historique de ne pas restituer les emplois alors que le nombre d’élèves diminue« , souligne G Attal. Il y aura 80 000 élèves en moins, dans le 1er degré, en 2024. Dans le second degré, le ministre souligne que ce sont les premières créations de postes depuis 2017. Il aimerait bien aller au delà. Selon G Attal, les taux d’encadrement seront les meilleurs depuis les années 1960. Rappelons quand même qu’après 80 000 suppressions de postes d’enseignants sous N. Sarkozy, les gouvernements de F. Hollande avaient créé 60 000 postes. Un effort interrompu net avec le premier mandat d’E. Macron.
Le compte n’y est pas
Ces 594 créations de postes dans le second degré suffiront-elles ? D’après le ministère la création des groupes de niveau en 6ème et 5ème à la rentrée 2024 consommera 1150 emplois de professeurs de lettres et 1150 postes de professeurs de maths. Le ministère annonce financer cela avec 830 créations de postes et 1500 postes redéployés à partir de la 26ème heure de soutien crée en 6ème cette année.
Le ministre fait cela sans modifier les concours de recrutement 2024. Or à ces concours du second degré, pour 10 564 sorties d’enseignants prévues au budget il n’y a que 8932 postes ouverts aux concours externes et 3ème concours. Si on regarde les deux disciplines concernées par les groupes de niveau, le nombre de postes offerts au capes externe de lettres modernes diminue (de 755 en 2023 à 698 en 2024) . En maths il reste stable. Le ministère insiste sur la hausse du nombre de candidats par rapport à 2022. C’est dire qu’il est stable par rapport à 2023 et qu’il ne suffit pas d’avoir des candidats pour remplir les postes !
Surtout le compte n’y est pas concernant les postes nécessaires à la mise en place des groupes de niveau. Selon le ministère ils concerneront un tiers des élèves de 6ème et 5ème en maths et un quart en français. Le besoin réel est donc d’un huitième des postes enseignants en lettres au collège et un sixième de ceux de maths, soit 3765 et 3985 professeurs. Il faudrait donc 7750 postes pour faire face au besoin et non 2300. Certes, la mesure mise en place en septembre 2024 ne concerne que 4 mois de l’année budgétaire (soit 2500 postes). Mais il faudra bien, pour la rendre structurelle, aller au delà des acrobaties de trésorerie et créer ces 7750 postes.
Acrobaties budgétaires
Cela amène à s’interroger aussi sur l’origine de ces enseignants. Le ministère annonce créer 830 postes de français et maths et réaffecter l’équivalent de 1500 emplois correspondant à la 26ème heure de 6ème. Il y a un mystère sur ces créations alors que le ministère ne crée que 594 postes et sans changer les concours. Il y en a moins pour les 1500 emplois réaffectés. Une partie de ces heures ont été prises par des professeurs des écoles. Les autres par des professeurs de collège volontaires.
Gabriel Attal est-il certain d’avoir le nombre de professeurs du 2d degré volontaires pour enseigner dans ces groupes de niveau ? Ou envisage-t-il de confier les collégiens les plus faibles à des professeurs des écoles rendus disponibles par la chute démographique ? Dans tous les cas, on constate le peu d’intérêt porté à ces élèves. Ce sont ceux qui ont le plus besoin de l’école de la République. G Attal propose pour les aider soit une acrobatie budgétaire qui ne permet pas d’installer la mesure , soit de recréer une filière de primaire supérieur au collège pour ces élèves avec tout ce que cela signifie pour leur avenir.
Le ministère annonce aussi la mise en route anticipée des prépa lycées. Dès la rentrée 2024, ces classes seront proposées à raison d’une classe par département à des élèves volontaires. Il annonce y consacrer 150 postes. Sans création de postes réels il s’agira là aussi d’enseignants volontaires que le ministère trouvera… ou pas.
Pas de choc Pisa
On attendait aussi le ministre sur l’anticipation des redoublements qui pourraient consommer jusqu’à 25 000 postes dans le premier degré. Même si la mesure n’est mise en place qu’en 2025, un tel volume nécessiterait une anticipation des créations de poste. Il n’en est rien.
Les annonces de ce 21 décembre ne constituent donc pas une réelle mise à jour budgétaire. Nous sommes face à des artifices de trésorerie. Il est probable que le ministère recycle les sommes destinées au Pacte et au CNR qui semblent avoir beaucoup de mal à se mettre en place. Après les résultats exécrables de Pisa, le système éducatif, marqué par un exceptionnel niveau d’inégalités sociales, mérite un budget répondant aux besoins des élèves défavorisés. Ce ne sera décidément pas le budget Attal.
François Jarraud
G Attal rattrapé par son budget