Que nous apprend PISA 2022 sur les inégalités sociales ? « La France est toujours l’un des pays de l’OCDE où le lien entre le statut socio-économique des élèves et la performance qu’ils obtiennent au PISA est le plus fort », écrit l’OCDE qui tempère en soulignant qu’il n’y a pas d’aggravation « notable sur la période 2012-2022 ». PISA nous apprend aussi que les élèves de filières professionnelles sont beaucoup moins performants en mathématiques que leurs camarades de filières générales et que si les résultats sont meilleurs dans l’enseignement privé, les élèves français de milieux défavorisés ont beaucoup plus de chances de réussir dans les établissements publics.
Dans les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques, l’écart moyen entre les élèves issus de milieux socio-économiques favorisés et ceux de milieux défavorisés est de 93 points en mathématiques. En France, il est de 20 points de plus – 113 points à ceux des élèves défavorisés. Il s’agit de l’un des plus importants écarts liés au milieu socio-économiques, « des écarts plus importants ne sont observés qu’en République slovaque ou encore en Israël », précise l’OCDE.
Cette variable prédit 21 % de la variation des performances des élèves en mathématiques en France dans PISA 2022, contre 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. En compréhension de l’écrit, la variation est de 17 %, contre 13 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Si 18,9 % des élèves favorisés sont parmi les élèves très performants en mathématiques en France, contre 20% en moyenne dans l’OCDE, ce taux tombe à 1,2 % des élèves défavorisés, contre 2,6 % pour la moyenne de l’OCDE. Soit plus de deux fois moins de chance en moyenne d’être très performant pour un élève de milieu populaire français.
« Les élèves issus de milieu socio-économique défavorisé ont 4 fois plus de chances que tous les autres élèves en France et 10 fois plus de chance que les élèves issus de milieu socio-économique favorisé de se retrouver parmi les élèves peu performants en mathématiques au PISA 2022. Les moyennes OCDE sont respectivement de 3 fois et 7 fois plus de chance d’être dans ces situations », complètent les auteurs.
Les élèves de milieu défavorisé français font preuve de moins de résilience – c’est-à-dire qu’ils ont réussi à se classer parmi le quart d’élèves ayant obtenu les meilleurs résultats en mathématiques dans leur pays – que la moyenne de l’OCDE, 7,4% contre 10,2%.
Immigration et performance
En France, près d’un élève immigré sur deux est issu d’un milieu défavorisé, c’est 37% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Cette caractéristique impacte directement la performance de ces élèves en mathématiques. Les élèves issus de l’immigration ont 2,4 fois plus de chance que les élèves autochtones de se retrouver parmi les élèves peu performants en mathématiques. La moyenne OCDE est de 2,2 fois plus de chance. « L’écart moyen en mathématiques dans le PISA 2022 entre les élèves issus de l’immigration et élèves non-immigrés en France est de 51 points en faveur des élèves autochtones (différence moyenne OCDE : 30 points) » précise le rapport. Pour autant, à statut socio-économique équivalent, l’écart n’est plus significatif.
« La différence est plus marquée chez les élèves immigrés de première génération qui ont obtenu 60 points de moins que les élèves autochtones en mathématiques avant prise en compte du statut socio-économique des élèves et de la langue parlée à la maison (différence moyenne OCDE : 44 points). Les élèves immigrés de deuxième génération ont obtenu 47 points de moins que les élèves non-immigrés (différence moyenne de l’OCDE : 20 points) ».
Des différences en fonction de l’établissement où les élèves sont scolarisés
Comme lors des précédentes éditions de PISA, les élèves des milieux socio-économiques défavorisés sont surreprésentés dans les filières professionnelles en France. 33% d’entre eux sont dans ces filières – 17% en moyenne dans l’OCDE, contre seulement 6 % des élèves les plus favorisés, 7 % en moyenne dans l’OCDE. Les élèves scolarisés dans ces filières – 20% de la population scolaire totale – ont obtenu des résultats inférieurs de 90 points en mathématiques à ceux obtenus par les élèves scolarisés dans les filières générales et technologiques, contre 59 points dans la moyenne de l’OCDE.
Après prise en compte des profils socio-économiques des élèves, la différence de score en mathématiques entre les élèves des filières générales et ceux des filières professionnelles est de l’ordre de 45 points, la moyenne de l’OCDE est de 14 points.
Les élèves de milieux populaires réussissent mieux dans le public que dans le privé
Concernant la proportion d’élèves scolarisés dans des établissements privés, si elle est restée constante entre 2018 et 2022 en moyenne dans les pays de l’OCDE, elle a augmenté de 5,2% en France. En 2022, ce sont 21,6 % des élèves de 15 ans qui étaient scolarisés dans des établissements privés contre 16,4 % en 2018. Dans le privé, les élèves ont obtenu des résultats en mathématiques supérieurs de 27 points à ceux des élèves scolarisés dans les établissements publics, avant prise en compte du profil socio-économique des élèves et des établissements. Une moyenne quasi équivalente à la moyenne de l’OCDE qui est de 24 points.
Pour autant, les résultats à PISA montrent qu’après prise en compte du profil socio- économique des élèves et des établissements, l’avantage des établissements privés disparait. Mieux, les élèves des établissements publics obtiennent des résultats en mathématiques supérieurs de 21 points à ceux des élèves des établissements privés – la différence moyenne de l’OCDE est de 11 points en faveur des établissements publics. L’enseignement public accompagnerait beaucoup mieux les élèves de milieux défavorisés que le privé. Et la France devance la moyenne des pays de l’OCDE de plus de 10 points.
Pisa nous apprend aussi que près d’un élève sur 10 en France et dans les pays de l’OCDE ne mange pas à sa faim. 8,5 % des élèves de 15 ans avaient sauté un repas en France chaque jour ou presque chaque jour le dernier mois précédent le test du PISA 2022. Un chiffre légèrement supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE (8,2 %), mais inférieur à ceux de certains pays de l’OCDE comme le Royaume-Uni où il grimpe à 10,5 % ou encore les États-Unis où ils sont 13 %.
Lilia Ben Hamouda