« Les principaux constats sont connus depuis des années. Il nous faut désormais en tirer les conséquences » écrit le 25 octobre Edouard Geffray, Dgesco, aux enseignants. Alors à quoi bon un questionnaire ? Ses questions orientent vers les réponses déjà connues, elles aussi. Le questionnaire « exigence des savoirs » envoyé aux enseignants confirme les orientations conservatrices et surtout populistes d’un ministre pour qui on a des ambitions…
Un questionnaire envoyé durant les vacances
Envoyé aux enseignants le 25 octobre, en pleines vacances, un message du directeur général de l’enseignement scolaire, Edouard Geffray, les invite à participer à une consultation du ministère. « Comme vous le savez, de nombreux élèves rencontrent des difficultés« , écrit E Geffray. « Les principaux constats sont connus depuis des années. Il nous faut désormais en tirer les conséquences« , ajoute-il, reprenant la formule de G Attal le 5 octobre. « C’est pourquoi le Ministre a confié à une mission « exigence des savoirs », composée de professionnels de l’éducation (recteurs, inspecteurs, professeurs), le soin d’identifier les principales mesures à prendre pour rehausser le niveau scolaire des élèves, de la maternelle au lycée, et de proposer un plan d’action opérationnel pour les mettre en œuvre… Cette mission rendra ses conclusions fin novembre. Dans ce cadre, nous avons souhaité consulter l’ensemble des professeurs, inspecteurs et chefs d’établissement afin qu’ils puissent faire valoir leur avis de professionnels et formuler des propositions ». Suit un lien vers le questionnaire.
Les enseignants seuls responsables des difficultés des élèves ?
Le questionnaire est accessible à tous, autant de fois qu’on le veut. Surtout, ses questions sont très orientées. Ainsi il demande aux professeurs des écoles et aux certifiés s’ils ont le sentiment « d’être suffisamment en situation d’aider les élèves« . En cas de réponse négative, les enseignants doivent choisir entre des formations renforcées. Autrement dit, ils sont, pour le ministère, les seuls responsables des difficultés des élèves. Beaucoup d’enseignants nous ont dit qu’ils avaient envie de parler du nombre d’élèves (les classes françaises sont les plus chargées en Europe) ou du manque de temps. Ces réponses ne sont pas prévues.
Des questions très orientées
Les questionnaires pour ces deux catégories d’enseignants les invite à faire un choix pour « améliorer la culture générale » des élèves. Là aussi on retrouve un thème développé par G Attal début octobre. Parmi les propositions, la création d’une discipline de culture générale. Une proposition qui aurait comme avantage de fondre une série de disciplines actuelles dans un horaire commun et de réaliser de belles économies au nom d’un concept, très clivant socialement mais très flou.
Le questionnaire des professeurs des écoles leur demande s’ils souhaitent un manuel de français ou de maths, comme si les autres disciplines n’avaient pas d’importance. Surtout il les interroge sur le retour des devoirs à la maison, interdits depuis 1956, et sur les redoublements, un dispositif dont l’efficacité est controversée. Enfin il introduit l’idée « d’effectifs adaptés en fonction des besoins« , les groupes de niveau qu’a annoncé G Attal. On retrouve ces mêmes groupes dans le questionnaire des certifiés, enseignants dans le 2d degré. Cette pseudo consultation amène les enseignants à valider les orientations déjà annoncées par le ministre.
Les réactions des enseignants
Sur les réseaux sociaux, les enseignants ont vivement critiqué le procédé. « Insulte à l’intelligence » pour certain, « questions hyper orientées » pour d’autre, le questionnaire est aussi très critiqué par les syndicats. Le Snalc, qui a portant inspiré le ministre, » dénonce le contenu et les modalités de la consultation par voie électronique des professeurs, inspecteurs et personnels de direction dans le cadre de la mission « exigence des savoirs »« . » Par des questions pour la plupart biaisées, tranchant d’ores et déjà dans des débats éducatifs, (le questionnaire) manifeste la volonté d’imposer des réformes dont le contenu a déjà été annoncé : révision des programmes pour renforcer la place des « fondamentaux », individualisation des apprentissages, recours à des groupes de niveau, abandon de la logique de cycle…« , dénonce le Snuipp Fsu. » Le questionnaire remet en avant des rengaines éducatives passéistes (devoirs à la maison, recours au redoublement…) mais surtout inefficaces. La recherche a en effet tranché depuis longtemps ces sujets« .
Traditionalisme, populisme ou nouvelle politique ?
Le syndicat dénonce le caractère rétrograde du projet de G Attal. Le ministre flatte surtout un certain électorat attaché à une vision traditionaliste de l’Ecole et une vision populiste de l’Ecole. Son projet va aussi plus loin. Certes il succombe à l’autoritarisme gouvernemental en proposant un questionnaire qui ressemble à un plébiscite. Mais le ministre s’appuie sur les travaux des économistes de l’Education pour introduire en France la vision anglo-saxonne du métier enseignant. Contrairement à ce qu’il affirme, G Attal ne défend pas « l’école à la française« .
François Jarraud