Comment sécuriser les établissements ? Cette question, beaucoup se la posent au lendemain de l’attentat d’Arras. Comment trouver un juste équilibre entre sécurité et « bunkersiation » de l’école ? Si Bruno Bobkiewicz – secrétaire général du SNPDEN – appelle de ses vœux à plus de sécurité avec des personnels supplémentaires, François Bonneau, de l’association Régions de France, estime que « beaucoup est fait au niveau matériel. La sécurité, c’est aussi la prévention et elle passe par l’éducation ».
Vendredi 13 octobre, très tôt après l’attentat d’Arras, le ministre a demandé la sécurisation des établissements, un mail en ce sens a été envoyé à toutes les écoles. L’administration demande de vérifier les sacs, de limiter les attroupements aux abords de l’école… Pour le secrétaire générale du SNPDEN, la sécurisation des abords des établissements n’est pas du ressort des chefs d’établissement. « Moi, en tant que chef d’établissement, je sais sécuriser l’accès à mon établissement, je peux l’améliorer, au moment de l’entrée ou de la sortie. Je sais renforcer l’effectif d’adultes mais la sécurisation des abords ne relève pas ma responsabilité ». « Il faut être honnête avec les familles. On va renforcer l’attention mais on ne peut empêcher un regroupement de quatre jeunes devant la grille. On va leur conseiller de ne pas rester là, on va tenter de les disperser comme nous l’a demandé le recteur de l’académie de Paris dans mon cas. Mais on ne pourra pas faire plus. Il y a une obligation de moyens, pas de résultat. On sait bien que nous n’y arriverons pas et puis, est-ce souhaitable ? ».
Les établissements doivent rester des lieux d’éducation
« Il fut un temps merveilleux où les lycées étaient ouverts, où les lycéens circulaient librement » nous dit François Bonneau, président en charge de l’éducation au sein de l’association Régions de France. « On a ensuite dû mettre en place des systèmes de contrôles et de fermeture afin de protéger les établissements. Lorsqu’il y a un assistant d’éducation à la grille du lycée ou au tourniquet, c’est dissuasif. Cela montre que l’on est dans un lieu protégé. Ce travail de sécurisation et de dissuasion les régions l’ont fait. Pour autant, on ne peut pas prétendre assurer la sécurité de tous tout le temps. On ne parviendra jamais à cela. Les lycées sont des lieux d’éducation et pas des prisons ».
Au SNPDEN, premier syndicat des chefs d’établissements, on doute de la capacité des collectivités à sécuriser l’ensemble des établissements au vu de l’état du bâti scolaire. « Pour avoir vécu de nombreuses intrusions violentes à Saint-Denis, la question s’est systématiquement posée » se souvient Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du syndicat. « Il y avait les pro sécurisation, les pro prévention, les anti-sécurisation… En réalité, il faut faire des deux. Il faut avancer sur la question d’une meilleure sécurisation mais pas d’une bunkerisation. De cette dernière, nous ne sommes pas capables sauf à investir des milliards d’euros et construire des miradors ». Et même si ces milliards étaient investis, le chef d’établissement, ne rêve pas d’une école qui ressemblerait à une « prison ». « Ce serait horrible. Je n’ai, personnellement, pas envie de diriger un établissement où je ferai fouiller élèves, parents, partenaires. Pourtant, je suis sure que certains, comme certains présidents de région, vont demander ça dès ce soir. Ils n’ont pas tort sur la demande de sécurisation, mais il ne fait pas non plus bunkeriser les Écoles, ce ne sont pas des prisons ».
Pour les deux hommes, la meilleur arme, c’est l’éducation. « La sécurité, c’est aussi la prévention » confie François Bonneau. « Lorsque l’action éducative est déployée, elle amène les jeunes à réfléchir au respect de l’autre, à réfléchir aux libertés, à réfléchir aux respects des différentes consciences et cultures, à considérer que finalement la diversité de nos représentations culturelle et de nos histoires comme un enrichissement pour l’humanité et non pas une menace. L’éducation est en elle-même le chemin de la sécurité. Même si l’on sait que l’action d’éducation ne peut malheureusement protéger de tout… ».
Lilia Ben Hamouda