Les projets interdisciplinaires peuvent-ils retrouver leur place, c’est-à-dire leur capacité à changer la relation aux savoirs et le rapport au monde ? Au collège Dupleix de Landrecies dans le Nord, le projet « Cadastres exquis » a ainsi permis à une classe coopérative de 6ème de relier des approches EAC (Lettres, Arts plastiques) et EDD (SVT, Géographie) pour partir à la conquête créative du territoire. Professeure de français, Peggy Bernadat en témoigne : l’exploration des lieux et des langages débouche sur la réalisation par les élèves de belles « cartes sensibles et raisonnées, donnant à voir une image de leur territoire futur, respectueux de leur environnement naturel. »
Que sont les « cadastres exquis » au cœur du projet ?
« Cadastres exquis : des cartes, des territoires et des mots » est un projet interdisciplinaire qui propose à une classe de 6ème coopérative du Collège Dupleix de Landrecies dans le Nord de travailler en SVT, Géographie, Arts Plastiques et Lettres, autour des problématiques d’écologie, de développement durable et d’aménagement du territoire, afin que les élèves parviennent à la réalisation de cartes sensibles et raisonnées, donnant à voir une image de leur territoire futur, respectueux de leur environnement naturel.
Dans quel cadre le projet est-il construit ?
Les élèves sont au cœur du projet. Ils sont accompagnés pour la partie Education Artistique et Culturelle (EAC) par les professeurs de Lettres et d’Arts Plastiques et pour la partie Education au Développement Durable (EDD) par les professeurs d’Histoire-Géographie et de SVT. Pour la réalisation de leurs différentes productions, les élèves sont accompagnés et encadrés par un artiste plasticien en résidence au collège, par deux artistes plasticiennes, par des étudiants de Master de l’École d’architecture de Lille, par les élèves de la filière du verre du lycée Le Corbusier de Tourcoing. Un partenariat avec de prestigieux musées vient enrichir les connaissances culturelles des élèves : le LaM, Musée d’Art Moderne de Villeneuve d’Ascq, le MusVerre à Sars Poteries, le palais des Beaux-Arts de Lille, la villa Cavrois à Croix.
En Lettres et Géographie, un recueil a été produit, qui est l’alliance de différents langages : langages plastique, poétique et scientifique, et le fruit d’une année de travail et de réflexion autour du territoire et de son devenir.
Quelle a été la 1ère étape de travail ?
Dans premier temps de l’année consacré à l’observation, les élèves ont arpenté et photographié la ville de Landrecies, en portant leur attention et leur regard sur les quartiers nécessitant un réaménagement. De retour en classe, ils ont écrit en cours de Lettres des poèmes à partir d’un cliché qui les inspirait particulièrement, ont été initiés à la cartographie et ont réalisé des cartes sensibles et des croquis avec leur professeure de Géographie, Sandra Cappelle. Ils ont poursuivi l’expérience avec Guillaume Dreumont, leur professeur d’Arts Plastiques, dans les ateliers verriers du Lycée Le Corbusier de Tourcoing, en proposant des cartes sensibles de verre des lieux emblématiques de Landrecies.
Comment ce travail s’est-il prolongé ?
Dans un second temps, la réflexion est devenue prospective et les élèves ont été conduits à produire un croquis final rendant compte de leur vision de leur « Landrecies idéal », une vision largement inspirée et enrichie de la visite réalisée en amont des quartiers rénovés de Lille. En Lettres, une légende poétique accompagnant chaque croquis a été produite après moult strates d’écriture et de réécriture.
Ce travail cartographique et littéraire est la préparation du projet plastique mené avec Damien Gete, artiste plasticien en résidence, qui réalise avec la classe en mai 2023 un plan-relief en céramique d’un Landrecies futur, intégrant toutes les problématiques de développement durable et d’aménagement du territoire étudiés tout au long de l’année.
Quelles satisfactions tirez-vous de ce beau travail créatif ?
« Cadastres exquis : des cartes, des territoires et des mots » est un projet fondé sur une alliance de différents langages (artistique, poétique, scientifique), sur des rencontres avec des œuvres, des artistes et des lieux de culture qui permet d’aborder autrement les problématiques d’aménagement du territoire, d’écologie et de développement durable.
Ce projet nous a offert la possibilité d’expérimenter d’autres formes scolaires, en conjuguant classe coopérative, classe dehors et pédagogie de projet, et en repensant la relation pédagogique entre les professeurs et les élèves, afin de rendre l’École attractive et valorisante, sans exclure aucun élève, et en évitant toute forme de décrochage scolaire.
En effet, en prenant appui sur les éléments de programme communs à plusieurs disciplines, les professeurs ont surtout pu travailler, ensemble, sur le même objet d’étude et avec le même objectif de productions artistiques finales, des compétences transversales indispensables à la réussite scolaire en général : le savoir – dire, lire et écrire, évidemment, mais également l’ouverture culturelle, la coopération, l’entraide, la motivation, l’engagement dans un projet collectif, la capacité à débattre et à structurer sa pensée, l’estime de soi et… le plaisir d’apprendre… autant de compétences qui ont permis à chaque élève en particulier d’adopter une posture d’auteur et d’artiste, en mesure d’exposer son travail littéraire et plastique au regard d’un large public.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Vernissage de l’exposition du 13 juin 2023
Sur la classe coopérative de 6ème
Peggy Bernadat dans Le Café pédagogique