« Pour que l’École tienne… Il n’y a à mes yeux qu’un chemin : l’autorité des savoirs, l’autorité des maîtres, une école de la transmission, de l’esprit critique et de la confiance » affirme Emmanuel Macron dans un entretien accordé au Point et publié mercredi 23 aout au soir. Pour le Président, qui précise sa vision de l’école, les enseignants n’ont jamais été autant revalorisés que sous sa mandature – « une augmentation qui pourra aller jusqu’à 500 euros par mois »… Il y aurait selon lui aussi trop de vacances scolaires. Il propose dès lors une rentrée dès le 20 aout pour les élèves en difficulté. Peut-être serait-il utile de lui rappeler que les stages de réussite – ou de remise à niveau – existent depuis de nombreuses années et ont lieu en ce moment même. Pour le Président, il faudrait aussi refonder les programmes d’Histoire qui devraient être enseignés chronologiquement et que l’instruction civique devienne une matière essentielle avec la lecture d’un grand texte fondamental sur « nos valeurs » chaque semaine dans chaque classe… Autant d’affirmations qui confirment un virage très à droite du projet pour l’École porté par le gouvernement, si ce n’est par le Président lui-même puisqu’il déclare que « l’éducation fait partie du domaine réservé au président ». Que le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, se le tienne pour dit.
Des annonces à moyens constants, une habitude
Pour « faire nation », Macron annonce qu’il faut accueillir « les élèves le plus tôt possible », dès deux ans. Il déclare d’ailleurs que ce sera le cas « partout où on le peut » dès cette rentrée. Une déclaration qui ne peut qu’étonner lorsque l’on sait que plus de 1 580 postes de professeurs des écoles seront vacants à la rentrée et que les académies peinent à recruter des contractuels. Il évoque aussi les dédoublements dont il se félicite – même si aucune donnée ne vient confirmer les bienfaits de ces derniers – et confirme que les effectifs seront réduits en moyenne section, même si là encore on peut légitiment se demander comment il compte faire alors que nombre d’enseignants manquent à l’appel. Autre annonce étonnante, « la systématisation » du « soutien éducatif de 8 à 18 heures tous les jours » dans les quartiers en difficulté. Pour rappel, cette annonce a été faite en juin dernier, et il semble peu probable qu’elle soit effective dès la semaine prochaine dans tous les établissements d’éducation prioritaire. A moins que tous les enseignants et enseignantes de ces établissements signent le Pacte, ce qui semble loin d’être le cas.
Apprentissages des savoirs fondamentaux et évaluation seraient les clés pour lutter contre l’échec scolaire, « on remet à l’école le cœur des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, se comporter » soutient le Président « et on l’évalue chaque année ». On connaissait le lire, écrire, compter chers à Blanquer mais pas le « se comporter » … Il déclare également qu’il « faut cesser d’envoyer en sixième les 20% d’élèves qui ne savent pas lire, écrire et compter ». Difficile d’interpréter cette déclaration : y aura-t-il plus de redoublements (coûteux pour la puissance publique et souvent inefficaces) ou envisage-t-il une orientation dès la fin de l’école primaire ?
Deux « hypocrisies françaises »
Dans cet entretien, Emmanuel Macron déclare que « nous devons sortir des hypocrisies françaises ». La première, se féliciter d’avoir 80% d’une classe d’âge au baccalauréat alors que « un tiers de nos lycéens sont en lycée professionnel », et qu’un tiers d’entre eux sort sans diplôme ni formation. « Personne ne s’indigne » indique-t-il. On ne peut que s’étonner d’une telle indignation lorsque l’on connait sa réforme du lycée professionnel qui ne devrait pas révolutionner cet état de fait.
Deuxième hypocrisie, selon le chef de l’État, l’accès à l’université et le cursus universitaire. Le Président annonce vouloir appliquer sa vision utilitariste de la formation – on forme aux métiers dont les entreprises ont besoins.
Sur la réforme du baccalauréat, Emmanuel Macron anticipe les annonces que devrait faire Gabriel Attal lundi prochain lors de la conférence de rentrée. « Nous sommes pragmatiques, on ne peut avoir des épreuves si tôt dans l’année » confie-t-il. Il semble oublier le rôle qu’il a joué dans la réforme du baccalauréat.
Les pédagogistes, pourfendeurs de l’École
Pour défendre sa vision de l’École, Emmanuel Macron n’hésite pas à convoquer Ferdinand Buisson en l’opposant à la vision des pédagogistes. « On a une génération, même plusieurs, qui malheureusement ont un peu perdu leurs repères à cause d’un pédagogisme qui disait, au fond, que l’école ne doit plus transmettre » affirme-t-il. Une phrase qui sonne comme une attaque pour ceux qui voient dans l’École le lieu de l’émancipation et de l’apprentissage d’un futur citoyen éclairé. Une vision que partageait sans aucun doute Ferdinand Buisson.
À travers cet entretien, le Président rappelle que pour ce qui s’agit de l’éducation, c’est lui le patron, une sorte de « super ministre de l’Éducation ». Il confirme aussi son alliance avec la droite la plus extrême. Des annonces qui ne manqueront pas de plomber le moral de nombreux professeurs et professeures qui préparent d’ores et déjà leur rentrée prévue dans huit jours.
Lilia Ben Hamouda