La nomination de Gabriel Attal ouvre une nouvelle période pour les enseignants. Pour le président de la République la revalorisation est faite. Il attend maintenant une application docile de ses réformes. Et il a nommé un ministre fidèle et peu enclin à la conciliation pour cela. Pour autant le remaniement n’a en rien réglé la crise politique.
L’échec de Pap Ndiaye
Le départ de Pap Ndiaye n’est une surprise pour personne. Il n’a pas su convaincre les enseignants de l’intérêt des réformes voulues par le président. Il était devenu un poids mort, le rappel d’une période électorale de conciliation envers les enseignants. Cette situation s’est achevée dès les législatives. Rapidement assimilé à son prédécesseur, particulièrement détesté, par les enseignants, Pap Ndiaye était devenu aussi une cible pour une droite qui a fait de l’éducation sa priorité (avec notamment cette proposition de loi). Certains ont cru que les attaques contre Pap Ndiaye, lancées par la droite et l’extrême droite, auraient pu inciter E Macron à lui conserver son poste. Le président de la République les valide en le destituant. Notons que l’échec de Pap Ndiaye est aussi celui de son cabinet. Gabriel Attal entend il le garder ?
Le succès de G. Attal
La nomination de Gabriel Attal est d’abord un grand succès pour ce protégé d’Emmanuel Macron. Lors de la passation de pouvoir entre Pap Ndiaye et Gabriel Attal, ce dernier s’est remémoré « ce jour d’octobre 2018 où je suis entré pour la première fois (au ministère) en tant que secrétaire d’Etat« . A l’époque, Claude Lelièvre avait rappelé que cela ne présageait pas une carrière. En effet, qui se souvient de Jacques Guyard, Robert Chapuis ou Françoise Hostalier, tous anciens secrétaires d’Etat à l’éducation nationale ? « Les secrétariats d’Etat auprès du MEN boostent très rarement une carrière politique« , disait Claude Lelièvre. Gabriel Attal est une exception. En 5 ans il est passé de secrétaire d’Etat très contrôlé par JM Blanquer à ministre de plein exercice.
Ce succès il le doit d’abord à sa fidélité envers Emmanuel Macron. Le président de la République s’est investi fréquemment et avec force dans les réformes de l’Education. Après les blocages rencontrés par JM Blanquer, il a nommé un ministre susceptible d’amadouer les enseignants tout en lui donnant un entourage chargé de le diriger. Il est intervenu plus directement et avec plus d’énergie sur ce dossier depuis le début du second quinquennat. La nomination de Gabriel Attal signifie d’abord que le dossier Education est directement entre les mains de l’Elysée. Cette proximité est un avantage quand il s’agit de fixer le budget de l’Education avec Bercy. Le budget préservé de 2024 en est l’illustration.
La nomination de Gabriel Attal doit aussi beaucoup à ses talents de débatteur et à son agressivité politique. Cela s’est vu souvent à l’Assemblée face à l’opposition de gauche. Mais aussi dans le monde de l’éducation quand le secrétaire d’État utilisait une fake news ou ne reculait pas devant le prof bashing. Gabriel Attal a été à l’école de JM Blanquer. Comme lui, est-il persuadé que tous reculent devant la force ? Les syndicats pourraient sentir rapidement le changement de ton. Même si G Attal, dans son discours du 20 juillet, promet « l’écoute », il annonce aussi « l’audace »…
Le retour au programme de JM Blanquer
Le programme présenté par G Attal le 20 juillet poursuit la ligne de JM Blanquer. « Nous devons remettre le respect de l’autorité et les savoirs fondamentaux au cœur de l’école« , dit G Attal. « Il faut en revenir aux choses simples, le respect du professeur et de son autorité, le respect de la laïcité… Si on tente de bafouer l’autorité de nos professeurs, si on veut s’en prendre aux valeurs de la République, je le dis à tous les professeurs, je serai à vos côtés« . JM Blanquer avait dit la même chose en 2018 : « J’accorde plus d’importance et de crédit à la parole du professeur qu’à celle de l’élève« . Les enseignants savent ce qu’il en a été. Après un épisode Ndiaye où le conseil des sages de la laïcité à été redressé, on pourrait en revenir à l’exploitation politicienne de la laïcité comme JM Blanquer l’a pratiqué.
Gabriel Attal a pris aussi des engagements sur les réformes. « Les absences non remplacées seront ma priorité« , dit-il, et cela dès la rentrée. Cela suppose que le Pacte s’installe, alors qu’un récent rapport parlementaire montre qu’il patine. Le nouveau ministre veut aussi « adapter la mobilité » des enseignants et « une véritable animation des ressources humaines« . Là aussi on retrouve des thèmes portés par JM Blanquer, notamment lors du Grenelle. G Attal devrait poursuivre le détricotage du statut des enseignants, déjà gravement atteint par le Pacte.
La crise n’est pas réglée
La nouvelle période qui s’ouvre avec G Attal est plus claire. G Attal va vouloir aller au bout de la privatisation de l’enseignement voulue par E Macron. Le maintien à son poste de C Grandjean l’atteste. Il va le faire avec énergie. Et probablement avec la conviction, héritage de JM Blanquer, que rien ne résiste devant l’autorité ministérielle.
Pour autant, ce remaniement n’a en rien réglé la crise politique qui ruine le gouvernement. Le président est toujours à la recherche d’une majorité. Le désir de la droite de s’emparer de l’Ecole est peut-être un obstacle à la reconfiguration politique. Mais E Macron est bien obligé de trouver une majorité. Et rapidement. En attendant ce vrai remaniement, Gabriel Attal est ministre.
François Jarraud