Mercredi 19 juillet, la Médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Catherine Becchetti-Bizot, présentait son rapport annuel. Elle note une augmentation de 6% des saisines, une hausse significative qui révèle une dégradation du climat scolaire.
« Notre rôle consiste à faire en sorte que le désaccord ne dégénère ni en conflit ni en violence » explique la médiatrice en introduction de la présentation de son rapport annuel « Apprendre à vivre ensemble ». « On fait en sorte d’instaurer un dialogue, de coconstruire ensemble une solution ».
« Il y a une augmentation des saisines de 6% par rapport à 2021. 93% des cas sont traités en moins de trois mois, 74 en moins d’un mois » détaille Catherine Becchetti-Bizot. « Dans 60% des saisines, nous avons apporté notre soutien aux demandeurs, pour 79% nous trouvons une solution. Parfois, il s’agit aussi tout simplement de donner plus de clarté à des décisions mal comprises mais justifiés de l’administration ».
Saisines des personnels
Sur les 17 085 saisines, 4 000 proviennent de personnels, soit 23%, ce chiffre est en hausse par rapport à 2021. 27% des saisines de personnels concernent les questions financières – en forte augmentation depuis 5 ans, : rémunération, indemnités, retards de paiement ou encore des demandes de remboursement de trop-perçu. « C’est un sujet sensible » explique la médiatrice.
18% des saisines sont en lien avec le déroulement de carrière ou les questions statutaires (évaluation, avancement d’échelon, de grade, détachement, disponibilité…). C’est 64% de saisines de plus qu’en 2017. « La mise en place du PPCR reste problématique ».
17% des saisines sont du fait des affectations et des mutations, une augmentation de de 12% cette année encore. « Ces saisines montrent la difficulté d’un système qui touche à ses limites – mais que nous défendons toujours – avec le maintien du concours national, d’un barème… – et que nous ne remettons pas en cause » explique Catherine Becchetti-Bizot. Dans son rapport, la médiatrice développe toute une partie autour de la situation des personnels d’Outre-Mer. Elle recommande de « prendre en compte les situations personnelles douloureuses et de faciliter le retour dans les académies d’origine à forte attractivité comme la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion », de « savoir fidéliser dans les académies à faible attractivité » et de « faciliter et encourager le flux des mobilités entrantes et sortantes entre les collectivité d’Outre-Mer et la Métropole ».
14% des saisines sont en lien avec des conflits interpersonnels – souffrance au travail, situation d’isolement, harcèlement… Les conflits entre individus sont en progression sensible, +67% en 5 ans.
Interrogée sur l’une de ses préconisations de 2020 concernant les risques psychosociaux -« Publier rapidement l’acte arrêtant les procédures de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes » – la Médiatrice reconnait que le texte tarde à être publié et que cela commence à « être long ». « Même s’il existe des réponses locales, le manque de cadrage national occasionne des réponses différentes selon les territoires. Un texte réglementaire national permettrait d’unifier les procédures et les réponses apportées » précise la Médiatrice.
Saisines des usages : familles, étudiants
Du côté des usagers, les saisines représentent 77%. Ces saisines confirment une augmentation « exponentielle ayant trait à la vie quotidienne dans les établissements scolaires » indique la médiatrice. Ces saisines sont de plusieurs ordres. Si 50% des demandes sont en lien avec le second degré, 34% concernent l’école primaire. Une croissance de 16% en un an. « Cela traduit un durcissement de la relation autour de la question de la discipline » souligne Catherine Becchetti-Bizot qui consacre une partie de son rapport à l’augmentation des conflits en établissements scolaires. « Nous avons eu 4500 saisines en 2022, soit une augmentation de 106% en cinq ans. Il s’agit de remises en cause de mesures disciplinaires pour beaucoup. Nous recommandons de veiller au caractère éducatif des sanctions et d’éviter les ruptures scolaires. Un élève qui décroche, sa situation s’aggrave. Il faut un suivi éducatif et pédagogique, il ne faut pas dissocier la pédagogie de l’aspect Vie scolaire. Associer systématiquement les parents est aussi fondamental ». Pour la médiatrice, l’inclusion des élèves en situation de handicap met à mal les professionnels qui se « sentent démunis » face à certaines situations, notamment les AESH. « Il manque une dimension collective à la prise en charge de ces enfants. Cela se passe bien que si l’ensemble de la communauté scolaire se mobilise », précise-t-elle.
Catherine Becchetti-Bizot évoque aussi le harcèlement. « Nous avons une augmentation de 69% des saisines en une seule année, ce qui ne signifie pas une augmentation du nombre de cas » explique-t-elle en rappelant que la Médiatrice est parfois sollicitée en premier recours. « Les parents souhaitent s’adresser à une personne neutre – même cela n’est pas forcément pertinent, puisque le médiateur arrive quand il n’y a pas de solution ». Pour Catherine Becchetti-Bizot, il faut que « le dispositif pHARe soit mieux reconnu et évaluer afin de montrer les démarches qui fonctionnent comme la méthode de préoccupation partagée. Nous nous retrouvons dans cette méthode qui ressemble à notre mode de fonctionnement ». Elle recommande par ailleurs de développer les compétences psychosociales des élèves dès les petites classes – « on attend pas le lycée pour faire de l’EMC » ajoute-t-elle. « C’est dans un apprentissage du respect et de la coopération que l’on peut trouver la solution pour un meilleur vivre ensemble, pour une meilleure formation du futur citoyen ».
Le rapport annuel de la médiatrice de l’Éducation nationale met aussi en évidence la très forte augmentation des saisines concernant l’enseignement supérieur privé dont l’extrême opacité met à mal les étudiants. « Certains établissements jouent la confusion sur l’appellation des titre des diplômes… Ils jouent de cette ambiguïté et créent des malentendus, voire des situations frauduleuses ».
Lilia Ben Hamouda