Dans un courrier adressé à Élisabeth Borne et au ministre de l’Éducation nationale, l’intersyndicale éducation rappelle la crise de recrutement que rencontrent les métiers du professorat et l’enjoint à permettre une « revalorisation ambitieuse et sans contreparties pour tous les personnels, qui doit s’appuyer sur un plan de financement pluriannuel ». Elle refuse aussi le pacte et demande « le basculement de l’enveloppe dans celle prévue pour le Socle ». En s’adressant à la Première ministre sur la revalorisation des personnels enseignants, CPE et Psy-EN, l’intersyndicale s’adresse au N+1 du Ministre Pap Ndiaye.
« La crise de recrutement de personnels enseignants s’enracine comme le montrent les chiffres d’inscrit·es aux concours sur ces dernières sessions » expliquent les organisations syndicales. « Pour 2023, en dépit d’un prolongement de la période d’inscription, le nombre d’inscrit·es aux concours du second degré est en baisse de 18,5% et de 13,7% pour le concours du premier degré par rapport à 2021, dernière session représentative ». Elles rappellent aussi la multiplication par 5 du nombre de ruptures conventionnelles entre 2020 à 2021. « Les démissions continuent d’augmenter. Ces données démontrent indéniablement une perte d’attractivité du métier qui pourrait s’avérer très problématique pour le service public d’Éducation dès la prochaine rentrée mais aussi à moyen terme ».
Pour l’intersyndicale, certaines réponses du gouvernement relèvent de la « provocation ». « Après être revenus sur la promesse du candidat Emmanuel Macron qui s’était engagé à augmenter de 10 % sans contreparties toutes et tous les enseignant·es en janvier 2023, vous prévoyez des mesures salariales inacceptables. L’enveloppe prévue pour la partie socle est insuffisante et ne permet pas de rattraper les pertes de 15 à 25 % de pouvoir d’achat de ces dernières années. Dans le contexte alarmant d’inflation installée, votre choix politique est loin de compenser un pouvoir d’achat en berne pour tous les personnels. L’enveloppe allouée pour la partie socle doit être augmentée en conséquence et s’inscrire dans une logique pluriannuelle claire ».
Et pour la partie revalorisation liée au pacte, les organisations syndicales réfutent le terme de revalorisation. « Loin de contribuer à la revalorisation attendue par toutes et tous, il va conduire à un alourdissement de la charge de travail des personnels, alors qu’une enquête de la DEPP a fait la lumière sur la réalité́ du temps de travail des enseignantes et enseignants (la moitié travaille plus de 43h par semaine) et que des chiffres de l’observatoire du bien-être confirment les conditions de travail difficiles pour la profession : la moitié des personnels est en état d’épuisement avancé. Dans le contexte de négociation des nouveaux plans d’action Egalité professionnelle dans notre ministère, où la demande sociale est forte, le pacte porte le risque avèré d’aggraver les inégalités femmes/hommes. Enfin, le pacte va considérablement dégrader le fonctionnement des écoles et des EPLE et fragiliser les collectifs de travail par une mise en concurrence des personnels. Le pacte se révèle être un outil qui fait primer des impératifs politiques sur toute autre considération en étant l’appui de la mise en place de reformes qui ne sont même pas encore concrétisées, comme au collège ou dans la voie professionnelle. Nos organisations refusent le Pacte et réclament dans l’immédiat le basculement de l’enveloppe du pacte dans celle prévue pour le Socle ».
L’intersyndicale rappelle la forte mobilisation contre le projet de réformes des retraites « en pointant notamment l’injonction à travailler plus longtemps avec des salaires insuffisants et dans des conditions difficiles. Toutes nos organisations syndicales ont signifié leur désaccord avec la logique du pacte dans le cadre des discussions avec le ministère de l’Éducation nationale, notamment en quittant la réunion du 6 mars. Nous exigeons que le gouvernement en tire les conclusions qui s’imposent ».
« L’Éducation nationale s’enfonce dans une crise sans précèdent et vos réponses ne sont pas à la hauteur. Elles contribuent à nourrir une forme de colère et d’amertume chez nos collègues qui va laisser des traces profondes et durables dont vous porterez la responsabilité » menacent les organisations syndicales. « Tous les signaux montrent l’urgence d’une revalorisation salariale pour tous les personnels de l’Éducation nationale, dont certain·es comme les AESH vivent même sous le seuil de pauvreté.
L’agenda social du ministère prévoit certes des concertations pour quasi toutes les catégories de personnels, mais il y a des incertitudes majeures sur la capacité de l’État employeur à améliorer clairement la rémunération de certains personnels comme les assistant·es de service social, les infirmiers·ères et les ITRF. Les attentes des personnels sont fortes, les besoins du système éducatif ne le sont pas moins. Notre École ne peut assurer ses missions dans de bonnes conditions en manquant toujours autant de personnels d’enseignement et de vie scolaire, de PsyEN, de personnels administratifs et ITRF, de personnels sociaux et de santé, d’AESH et d’AED. Elle ne peut fonctionner correctement avec autant de personnels, quel que soit leur métier, qui constatent le manque de reconnaissance financière de leur travail, le manque de considération pour leur engagement professionnel au service de la réussite des élèves ».
« Nous réaffirmons, ensemble, notre revendication d’une revalorisation ambitieuse et sans contreparties pour tous les personnels, qui doit s’appuyer sur un plan de financement pluriannuel » concluent les syndicats qui demandent à la Première ministre et au ministre de l’Éducation nationale de se « saisir de ces enjeux importants qui conditionnent l’avenir de notre Pays au travers des personnels de l’éducation et de prendre les mesures à la hauteur ».
Lilia Ben Hamouda