Jeudi 23 février, Philippe Meirieu s’est invité dans la classe de Marie Soulié afin de découvrir la pratique de l’enseignante, adepte de la classe inversée. Marie Soulié, les lecteurs du Café Pédagogique la connaissent depuis de longues années. Jamais à court d’idées, elle renouvelle constamment sa pédagogie au service de la réussite de ses élèves.
Marie Soulié, dans la logique de sa programmation, encadre une séance de lecture collaborative d’un extrait de « La cantatrice chauve » d’Eugène Ionesco. Quatre autres textes avaient déjà été étudiés auparavant. Sur un protocole de classe inversée, lacapsule diffusée la veille donnait à voir un extrait d’une mise en scène théâtrale. Les élèves devaient uniquement découvrir cet extrait, sans être sollicités pour une analyse.
Étape 1 : Ce jeudi, dès l’arrivée en classe, un seul élève n’avait pas visionné la capsule. Il se dirige spontanément vers la valise d’iPads, puis regagne l’ « îlot des curieux » pour la visualiser calmement, pendant que l’enseignante présente le support visuel (une diapositive), support des 5 minutes d’interactions en îlots qui suivirent. Les groupes, mixtes, constitués aléatoirement et numériquement en début de chaque séance, échangent autour de la question : Si ce texte était une image il serait… ? Les élèves débattent avant de choisir l’une ou l’autre des deux images projetées en appui de la question.
S’ensuit un travail individuel au cours duquel chaque élève est invité à écrire sur un post-it sa réponse à la question : Si ce texte était un mot quel serait-il ? Un élève hésitant, sans idée, est invité à « emprunter » un mot proposé par un camarade. Il le choisit en justifiant son choix auprès de ce dernier. L’enseignante recueille les post-its dont les contenus, dès le rendez-vous pédagogique suivant, permettront de réactiver la mémoire des élèves sur quelques éléments du cours du jour.
Étape 2 : La construction collaborative. Les groupes se répartissent, selon leur envie du moment et la mise à disposition des espaces, pour exprimer ce qui leur semble important dans le texte, en privilégiant un axe de lecture, en y recherchant des indices prouvant et illustrant leurs dires ou écrits. Les groupes ont le choix de la modalité du support : radio, velleda mural, tableau, iPad, carte mentale, texte, audio…
Etape 3 : L’enseignante regroupe ensuite dans l’espace « Agora » tous les élèves, et effectue le tirage au sort, là aussi numérique, du rapporteur. Chacun·e présente alors les hypothèses arrêtées suite aux échanges dans les îlots. L’écoute attentive des jeunes élèves permet ensuite collectivement une mise en commun, un repérage des pistes et arguments communs. Collectivement, on négocie « ce que l’on garde », qui sera constitutif de la trace écrite. Cette dernière sera recopiée au retour à domicile, et insérée dans les classeurs personnels.
Etape 4 : En guise de conclusion, chaque groupe regagne son îlot pour placer sur une frise chronologique, mise à disposition depuis le début de l’année, le texte étudié ce jour, le positionnant ainsi par rapport aux autres textes déjà étudiés au cours de la séquence.
De retour à l’espace Agora, les élèves sont amenés à se prononcer sur ce qu’ils ont retenu de la séance du jour. On entend ici des déclarations spontanées d’un grand nombre de collégien·ne·s : « J’ai compris ce qu’est le théâtre de l’absurde ». « Aujourd’hui j’ai pu travailler avec S…. sans tiraillements ». « On a apprécié de travailler parfois en binôme ». « Quand allons-nous en jouer un extrait ? ». « J’ai pris la parole en hésitant moins ». Et avec humour : « Et si tous les élèves de la classe s’appelaient Bobby Watson ! »…
Les acteurs se quittent en prenant connaissance du travail à réaliser avant le prochain rendez-vous pédagogique (Réécriture de la trace écrite, visionnage de la capsule suivante, recherche du nom donné à l’autrice/auteur de pièces de théâtre…).
A l’issue de cette séance, pour Sophie Pariente, chargée de mission d’inspection dans l’académie de Bordeaux, il y a une « organisation structurante, un cadre contraint mais accepté, une liberté des élèves dans l’espace classe et l’exécution des tâches, ainsi que des dispositifs variés d’expression des élèves ». Avec Philippe Meirieu, ils s’accorderont à constater une disparité lexicale, et d’aisance de prise de parole, entre filles et garçons…un objet de réflexion à envisager, partagé par les observateurs…et peut-être à faire figurer prochainement parmi les préoccupations de l’enseignante.
Jean-François Liaudois