Alors que la Première ministre présentait hier son projet de réforme des retraites, les huit principaux syndicats français, même les plus réformistes, annonçaient dans la foulée la première journée de grève et de manifestation le 19 janvier. « C’est cette date syndicale qui donne le départ d’une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée » indique l’intersyndicale dans un communiqué.
Élisabeth Born l’a annoncé : l’âge de départ à la retraite sera relevé à 64 ans dès 2030 avec une accélération de la réforme Touraine – cela signifie un trimestre par an de plus de cotisation dès le 1er septembre 2023. La génération de 1968 sera donc la première concernée par le départ à la retraite 64 ans. « Nous allons conserver et améliorer le dispositif dit « carrières longues » en le rendant plus juste et plus lisible… notamment pour les femmes. Avant ce projet, les périodes de congé parental n’étaient pas prises en compte dans la durée pour en bénéficier. Cela sera désormais le cas » a expliqué la Première ministre. Les personnes en invalidité partiront à partir de 62 ans. Sur la pénibilité, plus de salariés auront la possibilité de faire valoir un départ anticipé. « Nous maintiendrons à 67 ans, l’âge auquel les personnes peuvent partir à la retraite sans décote, quelle que soit leur durée de cotisation » a ajouté Elisabeth Borne. « Nous avons décidé d’intégrer dans notre projet la revalorisation des pensions des retraités actuels, pour tous ceux qui ont une carrière complète au niveau du SMIC » a-t-elle fait valoir.
« L’allongement de l’âge légal à la retraite et de la durée de cotisation à 43 ans, sont deux paramètres explosifs »
Pour les enseignants et enseignantes, cette réforme des retraites aura un impact, comme pour l’ensemble du monde du travail. Départ possible à partir de 64 ans mais, et surtout, après 43 ans années de cotisations. Un impact considérable pour les professeurs qui doivent justifier d’un master 2, bac+ 5, pour passer les concours du professorat, comme l’explique Sophie Vénétitay du SNES-FSU. « J’ai commencé à travailler à 24 ans. Pour moi, la retraite, ce sera au mieux à 67 ans ». Un professeur avec un parcours linéaire ne pourra donc espérer partir avant 65 ans. « L’allongement de l’âge légal à la retraite et de la durée de cotisation à 43 ans sont deux paramètres explosifs pour les personnels de l’éducation Nationale. Cela signifie partir de plus en plus tard mais aussi partir dans de mauvaises conditions » nous confie la secrétaire générale du SNES-FSU. « Partir de plus en plus tard au prix de conditions matériels difficiles. Les collègues nous disent qu’après 60 ans, ce n’est pas simple d’être devant une classe de 30/35 élèves, de ne pas avoir de demi-groupes. C’est épuisant physiquement et moralement. On va leur demander de continuer plus longtemps dans de telles conditions. Ça impactera aussi la santé. On voit des collègues épuisés à la fin de leur carrière ». « Épuisés moralement et physiquement » insiste la syndicaliste.
Au SE UNSA, la réforme des retraites, c’est non. « Le SE UNSA, comme l’union interprofessionnelle UNSA, s’est pleinement engagé dans l’opposition à cette réforme dans une intersyndicale très large » confie Sébastien Crochet, secrétaire général du syndicat. « Nous appelons à la mobilisation. Cette réforme allonge le temps de travail de tous et toutes : recul de l’âge de départ et allongement d’un temps de cotisation. Nous nous y opposons fermement ».
Selon Catherine Nave Bekhti du Sgen-cfdt, « Depuis des années, le Sgen-Cfdt demande des aménagements de fin de carrière pour les fonctionnaires, des dispositifs de retraite progressive pour les agents publiques, de même type que pour les salariés du privé notamment ». Une demande qui semble avoir été entendue à l’hôtel Matignon.
Concernant les professeurs des écoles, le SNUipp-FSU, à travers sa porte-parole Guislaine David « demande depuis longtemps l’abrogation d’un article de loi qui stipule que les professeurs des écoles ne peuvent partir à la retraite qu’à la fin d’une année scolaire et non pas à leur date anniversaire ». Une revendication partagée par le Sgen-Cfdt
Une union syndicale rare
Les huit syndicats, unis pour la première fois depuis la réforme d’Éric Woerth en 2010 qui avait relevé l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, appellent à la grève et à la mobilisation le 19 janvier prochain. Une journée test pour les syndicats et le gouvernement. Les syndicats d’enseignants annoncent déjà une forte mobilisation.
« Le gouvernement annonce un allongement de l’âge de départ à la retraite, donc oui nous appelons à la grève et à la mobilisation » lâche Catherine Nave Bekhti. « Nous sommes une profession mal payée, une profession méprisée, une profession qui travaille dans de mauvaises conditions. La réforme des retraites, c’est une couche supplémentaire. C’est pour toutes ces raisons que la profession sera très fortement mobilisée » conclut Sophie Vénétitay.
Le 19 janvier sera une date déterminante pour les organisations syndicales et le gouvernement qui « reste ouvert à la discussion… nous la voulons et nous savons ce qu’elle apporte. Cette présentation n’est donc pas un point final. Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet » a rassuré Elisabeth Borne. Quel sera le rapport de force ? L’union syndicale tiendra-t-elle ?
Lilia Ben Hamouda