Avec 450 enseignants réunis au campus de Saint-Germain-des-Prés à Paris, les journées nationales de l’APBG rencontrent un vif succès. « Nous posons des actes pour la formation continue », note David Boudeau, président de l’association professionnelle. ARN messager, lombrics, santé bucco-dentaire, relation homme-animal sont quelques sujets évoqués par des scientifiques de renom comme le botaniste Francis Hallé et le biologiste Pierre-Henri Gouyon. Pour l’association, le congrès est aussi l’occasion de rappeler les méfaits de la dernière réforme du lycée et la nécessité de maintenir la 3ème spécialité en terminale.
Des étudiants invités
Au premier rang du vaste amphithéâtre Binet, 4 étudiants en master MEEF venus de l’université de Poitiers découvrent ces journées de formations proposées par l’APBG. « Nous avons été invités par notre régionale. Ces 3 journées permettent d’apprendre beaucoup de choses », apprécie Emma. Avec leurs écrits du capes prévus en mars, les 4 étudiants ont déjà en charge une classe d’élèves et comptent bien exploiter les ressources exposées dans l’amphithéâtre. Pendant 3 jours, pas moins de 450 enseignants se sont réunis pour « la plus importante réunion de formation d’Europe toutes disciplines confondues », annonce David Boudeau.
Après l’alimentation du futur et l’intelligence des plantes exposées le vendredi, le médecin Loïc Etienne de l’hôpital Necker a évoqué la médecine du futur le samedi matin. « La relation médecin patient est au cœur du sujet ! Quand on est médecin urgentiste, on est tout le temps en train de gérer l’incertitude, on n’est jamais sûr de rien », explique le spécialiste. La place de plus importante de l’intelligence artificielle est révélée par le médecin. « Ce que ‘on va faire dans les 20 ans qui viennent est hallucinant. Dans 10 ans, le médecin ne touchera plus le patient, car ses yeux et ses oreilles seront moins performantes que les machines ».
Vers des autogreffes avec des imprimantes
Devant un public très à l’écoute, Loïc Etienne rappelle pourtant que « la médecine est un art dont un des outils est la science. L’importance d’une éducation au vivant est rappelée avec son histoire évolutive. « Nous sommes composés de milliards de milliards de cellules, les médecins l’oublient souvent ! ». Le médecin prédit des autogreffes avec des imprimantes biologiques dans les prochaines années. Loïc Etienne montre aussi les limites de l’intelligence artificielle, « la machine n’a pas d’intention, elle n’a pas d’imagination ni de conscience de soi, car elle ne sait pas ce qu’est la mort ». Cependant, « notre vision du monde passe désormais par le regard des machines »
À l’issue de la conférence, une enseignante demande « que conseillerez-vous à des élèves qui doivent arrêter la spécialité SVT en terminale pour accéder à des études de médecine ? » Réponse : « Malheureusement, dans le système actuel, les maths et la physique-chimie sont un outil de sélection. Je pense qu’en médecine, il faut arrêter avec cela ».
Rond de sorcières et ver de terre
La santé bucco dentaire et le microbiome oral sont aussi dans le programme copieux de ce congrès avec Céline Clément de l’université de Lorraine. « Ce sujet est très peu évoqué dans les programmes de SVT pourtant les maladies bucco dentaires sont un enjeu de santé publique ». La chercheuse rappelle que « la plaque dentaire est un biofilm d’au moins 700 espèces bactériennes ». La spécialiste donne des ressources aux enseignants et indique aussi que « la pauvreté augmente le nombre de caries. Il y a des déterminants plus larges que le brossage des dents et le fluor… ».
Entre les conférences, les professeurs pouvaient aller tester le nouveau matériel pédagogique des fabricants présents dans le hall, dénicher chez les éditeurs des ouvrages utilisables en classe ou alors corriger des copies pour certains.
Enfin, le très attendu chercheur Marc-André Sélosse a séduit son public avec un exposé sur le façonnement du monde par le sol et sa biodiversité. « Le programme de seconde est le moment de voir cela ! Dans le sol, il y a une diversité évolutive plus marquée, car le sol est moins sec que la surface ». Les ronds de sorcières et le tube digestif des lombrics n’auront plus de secrets pour le public. « Nous sommes dans un monde essentiellement microbien », aime à rappeler le biologiste qui s’alarme aussi de l’érosion des sols français. « Le labour augmente l’érosion de facteur 10 à 20. Le sol de la Beauce s’érode à la même vitesse que les sols alpins ! »
Il est à noter que chaque conférence a été captée et sera retransmise en vidéo sur le site de l’association. « Ce succès des journées nationales démontre l’importance de la formation dans une discipline en plein développement et la volonté du corps enseignant d’avoir un enseignement en prise directe avec la recherche et la science appliquée », conclut Gilbert Faury, coordinateur de l’événement.
Julien Cabioch