« Comment faire rimer éducation et innovation ? ». Vendredi 25 novembre, le Café pédagogique, en partenariat avec Libération et la MGEN, organise une journée de débats et d’échanges à l’occasion de ses vingt ans. De nombreux lauréats des précédents Forum de l’enseignant innovant ont fait le déplacement. L’occasion pour le Café pédagogique de rappeler ce que signifie l’innovation pour lui.
Lorsque les profs définissent l’innovation scolaire
Après un débat réunissant Pap Ndiaye, Laurence De Cock et Laurent Reynaud (voir article), une seconde table ronde « l’innovation scolaire vue par les profs » est animée par Jean-Michel Le Baut du Café pédagogique et se donne pour enjeu d’éclairer le point de vue des enseignants sur « l’innovation scolaire ». Elle donne la parole à 3 enseignants qui ont pour point commun d’avoir présenté leurs projets au « Forum des enseignants innovants » que le Café pédagogique a régulièrement organisé. Mais avec des expériences fort diverses de l’innovation : Marie Soulié est professeure de français en collège dans les Pyrénées-Atlantiques, Aurelie Badard enseigne les sciences physiques en lycée dans les Bouches-du-Rhône, Erwan Vappreau est professeur des écoles en Ille-et-Vilaine. Tous les trois déploient ou ont déployé des activités pour susciter l’engagement d’élèves-chercheurs.
Tous les trois prennent cependant leurs distances avec le mot « innovant » : le terme est parfois instrumentalisé, il semble placer l’innovation du côté de la rupture et de l’exception alors que chacun s’envisage ici davantage comme un artisan, un bricoleur pédagogique, un expérimentateur, qui tente au quotidien, comme la plupart des collègues, de trouver les voies les plus adaptées aux situations concrètes de la classe.
Tous les trois témoignent d’un sentiment d’isolement : par-delà la communication et l’instrumentalisation officielles, l’institution scolaire parait incapable de leur apporter de la reconnaissance ou de mettre en lumière leurs pratiques. Le système peut même être facteur d’empêchement : par exemple, la lourdeur des programmes et le calendrier des évaluations au lycée freinent les initiatives, tandis l’épuisement professionnel des enseignants depuis plusieurs années laisse peu de champ et d’énergie pour la créativité. Comment s’y prendre pour que « l’innovation » pédagogique puisse s’inscrire dans la durée et qu’une expérience individuelle devienne un horizon collectif ? Il apparait que c’est souvent en marge du système, dans les échanges informels, sur les réseaux d’enseignants, par la publication ouverte, qu’un projet se fait compostable et que les expériences se diffusent. De la table ronde émerge enfin un rêve : organiser un jour « un forum des élèves innovants » ?
Les lycées professionnels, l’innovation au quotidien
« Lycées professionnels : des laboratoires d’innovation, mais jusqu’à quand ? » C’est la question soulevée par la dernière table ronde animée par Elsa Maudet, journaliste à Libération. La question est brûlante puisqu’une réforme de la voie professionnelle est actuellement en chantier et provoque un mouvement massif de protestation.
Le représentant de la ministre, Éric Garnier, conseiller enseignement professionnel de C. Grandjean, tente d’éteindre le feu en soulignant à plusieurs reprises que rien n’est figé et que des groupes de travail sont encore à venir. Caroline Renson, professeure de lettres et d’histoire au lycée Condorcet à Montreuil, éclaire les tenants et les aboutissants d’une réforme qui devrait en particulier augmenter les temps de stages en entreprises au détriment des heures d’enseignement général, de la formation culturelle et citoyenne des élèves, de leurs possibilités d’adaptation à l’enseignement supérieur, de la pérennité des postes d’enseignants… Louis Teyssedou, professeur au lycée professionnel Édouard Gand d’Amiens, le démontre par un exemple édifiant : il raconte le remarquable projet pédagogique qu’a constitué la fabrication par ses élèves d’un livre autour de l’ancienne usine Cosserat de leur ville. Le projet a porté une telle dynamique que ses lycéens sont allés transmettre leurs compétences et leurs savoirs auprès d’étudiants à l’université. Le lycée professionnel comme future friche industrielle ?
Innover, pour nous au Café pédagogique, c’est penser sa pratique professionnelle d’enseignante et enseignant au quotidien pour permettre à tous les élèves, même les plus éloignés de la culture scolaire, de trouver du sens dans les apprentissages, de trouver leur voie…
Jean-Michel Le Baut et Lilia Ben Hamouda