Comment faire avec la note ? Après une première journée où la conférence de consensus du Cnesco a montré à quel point noter c’est mal et comment les enseignants ont gardé de « sales habitudes », la seconde journée montre comment faire avec. On peut composer avec la note pour obtenir une évaluation qui participe aux apprentissages. C’est notamment ce que montrent les formateurs de la Swiss Connection. Et ça, c’est malin. Remise des recommandations début 2023.
Pap Ndiaye et le double langage sur l’évaluation
« Je ne nie pas les problèmes de la note qui est omniprésente. On part du principe que c’est quelque chose avec lequel il faut composer ». La formule de Raphaël Pasquini (HEP du canton de Vaud) résume assez bien la seconde journée de la conférence de consensus du Cnesco.
La première avait enchainé les interventions pour montrer à quel point l’évaluation normative est mauvaise. Problème : malgré quelques évolutions, elle reste omniprésente sous la forme de la bonne vieille note. Une surprise apparemment pour une représentante de l’institution scolaire qui pourtant est entièrement construite sur le tri des élèves, de plus en plus précoce et de plus en plus en lien avec les inégalités sociales.
Pourquoi relever ce double discours institutionnel ? Parce que la seconde journée est ouverte par Pap Ndiaye (en vidéo) qui « invite à prendre en compte la justice sociale et la psychologie des élèves » dans l’évaluation. « J’attends beaucoup de vos discussions sur les questions d’équité », dit le ministre de l’Éducation nationale, notamment « comment mettre en œuvre une évaluation qui hisse chacun au meilleur niveau, comment faire en sorte qu’elle participe au bien-être ». Cela restera le point faible de la conférence du Cnesco que de ne pas aborder la façon dont l’institution scolaire s’appuie sur l’évaluation pour assurer un role social de tri des destins tout en le reprochant ensuite aux enseignants…
Comment faire avec la note ?
Gonzague Yelri (HEP de Fribourg) présente la planification pour l’évaluation des apprentissages et notamment « la planification à rebours ». Son approche est très prescriptive et s’appuie sur des méta-analyses (Hattie, etc.). Il montre comment on peut planifier l’évaluation en amont du cours et aussi planifier l’implication des élèves dans le processus évaluatif.
Raphaël Pasquini (HEP de Vaud) part du principe de l’omniprésence de la note chez les enseignants, mais aussi dans la société. « Si on enlève les notes, les gens font comme si on notait » explique-t-il. Il montre comment les codes couleurs ou d’autres systèmes sont automatiquement traduits en notes. « Enlever la note n’est pas une solution. Il faut réfléchir à ce que la note soit plus informative ». Et pour cela, il faut rendre conscientes et explicites des pratiques d’évaluation qui reposent souvent sur des habitudes ou des croyances.
Cela l’amène à revenir sur des pratiques mises en avant en formation initiale ou continue comme l’alignement curriculaire, la planification à rebours ou l’évaluation critériée. Sans revenir sur chacune, cherchons le raisonnement commun. C’est de rendre ce qui va être évalué clair et explicite dès le début du cours. D’avoir une cohérence entre l’enseignement et l’évaluation. Et de faire en sorte que les critères d’évaluation soient très clairs pour les élèves, mais aussi pour l’enseignant. Supprimer la surprise que le professeur peut parfois avoir après le devoir. L’évaluation critériée par exemple, permet de mettre en relation les démarches formatives avec la notation et autorise les élèves à auto-réguler leurs apprentissages. Finalement, elle donne du sens à la note, alors que celle-ci en manque souvent. R Pasquini nous conduit ainsi à une « notation constructive » c’est à dire une note qui s’inscrit dans un alignement curriculaire supposant une réflexion dès le début du cours, et reposant sur des critères transparents.
Un événement pédagogique majeur
Franck Silvestre reste dans l’angle de la journée tournée vers les pratiques enseignantes. Il montre comment un outil numérique d’évaluation peut aider à améliorer les apprentissages avec l’application Elaastic testée en Haute-Garonne. L’outil est basé sur un système de vote numérique des élèves. Celui-ci est nettement amélioré pour faire réfléchir les élèves à leur vote et les amener à argumenter celui-ci. À travers l’évaluation d’une question, les élèves développent leur réflexion et leur niveau d’expression.
Le reste de la journée est dévolu à des approches concrètes disciplinaires (EPS, maths, langues vivantes) et à l’impact de la formation professionnelle.
Le propre des conférences de consensus du Cnesco c’est de soumettre ces réflexions à un jury composé d’enseignants, mais aussi de formateurs, d’inspecteurs et parents. À charge pour eux de rédiger des recommandations. On les connaitra début 2023, a promis André Tricot qui a clos l’événement qui restera comme un moment unique sur le plan pédagogique pour 2022. Par ce qui fait la singularité du Cnesco : ses travaux ne perdent pas le lien entre chercheurs et enseignants, même quand cela n’est pas facile comme pour l’évaluation.
François Jarraud