Peut-on changer le recrutement des professeurs des écoles sans remettre en question leur statut ? Le 23 novembre, Rodrigo Arenas (LFI) et Cécile Rilhac (Renaissance) remettent leurs propositions à l’issue d’une mission flash demandée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée. Leurs propositions cherchent des pistes d’amélioration du concours, des affectations et des carrières sans toucher ni à la rémunération ni au statut. Un exercice pas évident pour des députés ayant des visions politiques bien différentes. Il débouche sur des propositions fortes comme le recrutement des enseignants à bac +3.
Quand tout se tient
Rentrée 2022 : 17% des postes aux concours de recrutement des professeurs des écoles restent vacants. Rentrée 2023 : ce devrait être pire si on en juge par le report de la date d’inscription aux concours. On comprend que la commission des affaires culturelles de l’Assemblée s’en mêle. Elle choisit pour cette mission flash sur « le recrutement, l’affectation et la mobilité des enseignants du 1er degré », des personnalités très investies dans l’éducation, mais avec des visions assez opposées. D’un côté, Cécile Rilhac, fidèlement à l’œuvre avec JM Blanquer depuis la loi Blanquer jusqu’à celle sur les directeurs d’école. De l’autre, Rodrigo Arenas qui présidant aux destinées de la FCPE avant de devenir député. Cela donne un rapport final assez consensuel même si certaines propositions ne sont portées que par C Rilhac.
D’emblée, les rapporteurs saisissent la situation sous-jacente à la difficulté actuelle de recrutement. « La moindre attractivité de cette profession s’explique par bien d’autres raisons que le seul enjeu salarial, néanmoins central, qui touchent à la reconnaissance sociale et symbolique du métier, à l’attractivité des territoires ou encore aux perspectives d’évolution de carrière. Les trois termes de la mission – recrutement, affectation, mobilité – nous sont apparus intrinsèquement liés : en effet, c’est à un véritable cercle vicieux que nous nous trouvons confrontés. Moins il y a de personnels, comme aujourd’hui, moins il y a de possibilités de mobilité pour ces personnels. Mais moins il y a de mobilité possible, moins la profession est attractive. C’est donc sur cet ensemble que nous devons agir ». Il leur faut donc à la fois élargir le vivier de recrutement et « mettre fin à des rigidités excessives » dans l’affectation et la mobilité.
Recruter à bac + 3
C’est pour le recrutement que la mission fait les propositions les plus nouvelles. Les rapporteurs souhaitent modifier profondément les conditions de recrutement. Ils demandent « la création de véritables écoles de formation des futurs enseignants » qui font penser aux PPPE imaginé par l’entourage de JM Blanquer. Pour Mme Rilhac ce serait une école de professionnalisation à l’issue de la licence. Pour R Arenas, il s’agirait d’une sorte d’école normale qui, à l’issue du lycée dispenserait une formation rémunérée conduisant à l’enseignement. La mission souhaite avancer le concours au niveau licence. Il serait suivi de deux années de professionnalisation. Le concours serait disciplinaire alors que la titularisation validerait des compétences professionnelles. Ce report du concours avait été avancé comme une solution à la crise de recrutement par Pap Ndiaye.
Modifier les règles d’affectation
La mission s’attaque aussi aux règles d’affectation dans la mesure où celles-ci font fuir des candidats. « Il nous semble nécessaire que la primo-affectation puisse faire l’objet d’une différenciation, sans pour autant contrevenir au principe d’égalité », écrit le rapport final. C Rilhac souhaite que les candidats pour qui l’enseignement est une seconde carrière puissent postuler sur des postes spécifiques. Clairement, il s’agit pour elle d’alimenter les postes de direction d’école par des cadres venus du privé. On a vu récemment à Saint Denis que cela pouvait entrainer des dérapages graves.
« Une réflexion doit être engagée sur l’échelle pertinente de l’affectation, éventuellement en distinguant selon les caractéristiques des territoires », affirme la mission. On rejoint là une demande des gestionnaires souhaitant davantage de souplesse dans les grandes régions comme l’Île-de-France. La mission souhaite davantage d’accompagnement pour les néo titulaires sur des postes difficiles comme ceux de Rep. « Ceci passe par l’octroi de davantage de décharges aux directeurs d’école pour leur permettre de se consacrer à leurs missions d’animation et de coordination de l’équipe pédagogique », propose le rapport. « La permanence d’une demande (qui ne fait gagner que 5 points par an), de même que l’affectation dans une zone rencontrant des difficultés particulières de recrutement, critères qui figurent au décret du 25 avril 2018 relatif aux priorités d’affectation des membres de certains corps, pourraient également être davantage valorisés, pour les mouvements intra comme interdépartementaux ».
Rétablir le contrôle syndical dans les commissions d’affectation
On est là à la limite de ce que permet le statut. La mission équilibre par une proposition qui contredit l’orientation gouvernementale depuis la loi de transformation de la fonction publique. « Corollaire de l’augmentation possible de la marge d’appréciation des situations par l’administration, la participation des organisations syndicales aux opérations du mouvement, au travers des organismes paritaires, doit être renforcée. La suppression de la consultation des commissions administratives paritaires (CAP) par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique est largement contestée et souvent présentée comme ayant opacifié les opérations de mouvement, entrainant une incompréhension et une défiance des personnels vis-à-vis de l’institution. Ces commissions permettaient pourtant, le plus souvent, non pas de remettre en cause, mais d’expliquer les décisions prises. Elles permettaient également de répondre à un certain nombre de questions qui, aujourd’hui, font l’objet de recours ». La question est maintenant sur le bureau de Pap Ndiaye.
François Jarraud