Mis en place à la rentrée 2021, les Parcours préparatoires au professorat des écoles devaient révolutionner la formation des professeurs des écoles en construisant une formation selon la volonté ministérielle, celle-ci se déroulant en grande partie en lycée. Un rapport de l’Inspection générale montre que les problèmes commencent à s’accumuler sur ce bébé Blanquer. Le taux d’abandon est important alors que les formations ne font pas le plein. L’idée de privilégier le français et les maths a du céder la place aux nécessités de validation universitaire. L’emploi du temps des lycéens – étudiants est trop chargé. L’idée d’une formation spécifique pour les enseignants du premier degré n’a pas fait ses preuves.
Une formation scolaire pour les professeurs des écoles
"La création de parcours PPPE à la rentrée 2021 répond à cette question fondamentale restée longtemps sans réponse après la création des IUFM au début des années quatre-vingt-dix : quel parcours de formation spécifique propose la Nation aux bacheliers qui manifestent dès le baccalauréat le souhait de devenir professeurs des écoles ?", écrivent Olivier Hunault et Marie-Hélène Leloup qui dirigent ce premier rapport sur la mise en place des PPPE à la rentrée 2021.
"Le PPPE est un parcours de licence, en 180 ECTS (60 ECTS/an), qui s’appuie sur un partenariat fondé sur l’alternance lycée / université avec une universitarisation progressive (25 % en L1, 50 % en L2 et 75 % en L3). Il conduit à la délivrance d’une licence dans la majeure disciplinaire de référence qui porte le parcours, avec un débouché naturel vers le master MEEF mention premier degré. Ce PPPE permet à l’étudiant de se préparer à devenir professeur des écoles en suivant un parcours de licence dédié, comprenant : des enseignements de culture générale et d’approfondissement disciplinaire dispensés en lycée ; des enseignements de spécialisation et d’approfondissement adossés à la recherche dispensés à l’université ; des stages d’observation et de pratique accompagnée à l’école primaire en première et deuxième année de licence ; un stage de mobilité internationale en troisième année de licence."
Le refus du modèle maths – français
Six mois après le lancement des PPPE le rapport pointe des difficultés et une vraie remise en question du principe de la formation.
Dans l’optique ministérielle, la formation des futurs professeurs des écoles c’était les fondamentaux d’abord. Cela se voit d’ailleurs dans l’emploi du temps des futurs maitres : sur 567 heures annuelles, il y a 252 heures de français et de maths et 63 heures d’accompagnement individualisé. Toutes les autres disciplines du primaire se partagent 252 heures. Les PPPE doivent prioritairement s’adosser à des licences de lettres et de maths. Et c’est le cas avec 7 parcours en lettres et 8 en maths sur 25.
Or les lycéens étudiants ne l’entendent pas de cette oreille. Il y a eu 1311candidats pour des PPPE en sciences de l’éducation, 399 en lettres, 285 en maths et 456 pour d’autres licences. Comme le dit el rapport, "l’attractivité des PPPE est liée d’une part au lieu d’implantation, d’autre part à la licence support. Cela tient aux inquiétudes des étudiants sur la qualité des licences adaptées aux PPPE.
"Des inquiétudes sont régulièrement exprimées s’agissant des PPPE adossés aux licences de mathématiques : le retrait de certaines UE de mathématiques de la licence, contraint par la part des enseignements de lycée dans le PPPE, en particulier les deux premières années, interroge les universitaires sur la délivrance d’une licence de mathématiques en fin de parcours. Pour certains, la fragilité des connaissances mathématiques induite par ces retraits ne permettra que difficilement d’envisager une autre poursuite d’études que le MEEF premier degré à l’issue de la licence. En particulier, l’accès au MEEF second degré en vue d’obtenir le CAPES de mathématiques leur semble difficilement envisageable", écrit le rapport.
Des effectifs en dessous des attentes qu’il va falloir renflouer
Le rapport constate donc que les effectifs des PPPE sont en dessous des attentes. "Quelques abandons d’étudiants, avant la rentrée ou pendant les premières semaines, ont conduit les inspecteurs généraux à constater, lors de leur visite en octobre ou novembre 2021, que les effectifs étaient inférieurs à 30 étudiants dans plus du tiers des PPPE… Face à la baisse d’effectifs de certains PPPE, la question du recrutement en L2 doit être posée", pour boucher les trous.
Des stages non financés
Le rapport souligne aussi les emplois du temps trop chargés des lycéens – étudiants qui doivent suivre leurs cours en lycée, en université et faire des stages. Ceux ci sont fixés selon des modalités différentes selon les endroits. En principe un stage à l’étranger doit avoir lieu en licence. Mais le rapport annonce déjà des difficultés pour le financer. Il est trop long pour entrer dans les financements Erasmus.
Les professeurs des écoles ont ils droit à une vraie formation universitaire ?
Le rapport recommande donc de "Changer de licence support du PPPE, si des PPPE restent trop peu attractifs pendant deux années consécutives" et de "Mettre en place, dès cette année, des outils de suivi, année après année, pour les deux premières cohortes de PPPE en anticipant les indicateurs pertinents : réorientations et décrochage tout au long du parcours". D’autres recommandations concernent la coordination du PPPE, le comité de pilotage, l’organisation des stages et de l’accompagnement individualisé.
Alors que l’éducation nationale risque d’entrer dans une nouvelle étape avec une refonte du statut des enseignants, le PPPE préfigure une formation des professeurs des écoles totalement différente de celle des professeurs du second degré. Ceux ci restent formés par la voie universitaire. Pour les professeurs des écoles la formation reste longtemps majoritairement scolaire et c’est tardivement que l’universitaire gagne sa part. Dans un système élitiste comme le système éducatif français , cette différence a un sens. C’est l’amorce d’un décrochage des PE par rapport aux professeurs du 2d degré. C’est aussi toute une conception de l’école qui passe par cette formation appuyée sur du français et des maths scolaires. Les difficultés de ce dispositif semblent indiquer que ce modèle a du mal à passer.
François Jarraud