Dans le monde internet, l’Ecole tend à réprouver la « copie » : parce que celle-ci brouille les cartes de l’auctorialité ? parce que s’y joue une nouvelle étape de « la mort de l’auteur » ? parce que l’Ecole elle-même y perd de son autorité ? Pourtant, la pratique de la « copie » est au cœur de nos traditions : prise de notes, citation, version, imitation, contraction, synthèse… Surtout, elle articule des compétences essentielles, donc à acquérir : rechercher, sélectionner, citer, sourcer, paraphraser, reformuler, relier, mixer, transformer, recréer, diffuser… Le nouveau numéro de la revue « Recherches » invite ainsi à dépasser la stigmatisation du plagiat pour travailler les bonheurs de l’intertextualité et de l’innutrition. Les pistes proposées et analysées sont variées…
Martine Peters montre comment certains enseignants se font « passeurs d’intégrité » et enseignent des « stratégies de créacollage ». Eve Gladu et Nathalie Lacelle soulignent l’intérêt de faire produire par l’élève « un texte multimodal numérique » pour diversifier les gestes d’appropriation transformative. Avec Aymeric Servet, la transsubstantiation s’opère par le passage de l’écrit à l’oral : il s’agit d’apprendre à exploiter des textes variés pour nourrir un débat argumentatif. Stéphanie Michieletto-Vanlancker exploite en 6ème la technique du kamishibaï : amené à raconter un texte en faisant défiler des images dans un théâtre en carton, l’élève travaille compréhension, découpage, reformulation, adaptation au public. Sophie Dziombowski montre comment passer de la lecture de critiques littéraires à l’expression de son propre jugement. AMarie Petitjean éclaire les processus à l’œuvre dans des cursus d’écriture créative : « La littérature d’admiration sacralisant l’œuvre y cède le pas à une littérature cannibale, qui se nourrit de son propre sang, en osant envisager la défiguration et le pillage. »
Un numéro particulièrement important et vivifiant : à ne pas manquer.
Jean-Michel Le Baut