Etudié à partir du 28 septembre, le projet de loi « d’accélération et de simplification de l’action publique », va trancher le sort de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement. L’Observatoire semble payer le prix de sa vigilance et de son indépendance. Le gouvernement veut sa suppression. Des voix se font entendre dans l’opposition mais aussi dans la majorité pour son maintien. Alors que la question de la sécurité des établissements est au premier plan est-il raisonnable de se priver de ce lanceur d’alerte ?
Un Observatoire qui travaille
L’article 7 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique prévoit la suppression de l’Observatoire et son remplacement par une cellule ministérielle du bâti scolaire. Lors de la lecture de la loi devant le Sénat, celui-ci a supprimé cet article. Patricia Morhet-Richaud, rapporteure du projet de loi, s’est étonnée de la suppression de l’Observatoire alors que le gouvernement avait introduit lors de la discussion de la loi pour l’école de la confiance un amendement donnant obligation pour les collectivités locales de suivre les recommandations de l’Observatoire. Elle a aussi relevé que la création de la cellule du bâti scolaire « ressemble fortement à la situation administrative préexistante avant 1995 et la création de l’observatoire ». Ce service avait été supprimé car le bâti dépend des collectivités locales et que le ministère n’est pas compétent pour en traiter…
Paradoxe : l’Observatoire n’a pas à démontrer son efficacité. Le gouvernement lui-même en convient comme l’a reconnu devant le Sénat Olivier Dussopt. C’est que l’Observatoire a multiplié les rapports et soulevé de sérieuses lacunes dans la sécurité des établissements scolaires. En 1996 il montrait que la majorité des machines outils des lycées professionnels étaient dangereuses. 1997 il soulevait pour la première fois la question de l’amiante dans les locaux scolaires. Sujet revenu dans l’actualité en 2016 quand l’Observatoire démontre que la réglementation n’est pas respectée dans un gros tiers des écoles. 2014 il montre qu’une école sur 4 construite après 2008 n’est pas accessible aux handicapés. 2020 : l’Observatoire revient sur un sujet qu’il avait déjà traité et montre qu’un quart des établissements n’ont pas assez de points d’eau pour appliquer les gestes barrières. Ou encore que 73% des écoles n’ont pas de plan de continuité d’activité. Récemment il a recommandé que le plan de relance gouvernemental repose sur un diagnostic complet des établissements.
Tout cela il le fait avec de petits moyens. L’Observatoire fait travailler un large réseau d’experts (une soixantaine ) bénévolement et n’a que 4 salariés. Son fonctionnement revient à 250 000 euros par an.
Supprimé pour crime d’indépendance
Ce n’est donc pas son coût qui, en réalité, justifie sa suppression aux yeux du gouvernement. C’est bien plutôt son indépendance. On comprend bien qu’avec ses rapports qui mettent le doigt sur de vrais problèmes des établissements portant sur leur sécurité, l’Observatoire se fait des ennemis. Visiblement à l’Education nationale on supporte très mal toute voix indépendante.
Le gouvernement reconnait l’efficacité de l’Observatoire mais propose de le remplacer par la « cellule du bâti scolaire » du ministère de l’éducation nationale. Cette cellule est un service ministériel. Elle n’a donc aucune possibilité de publier des rapports d’information indépendants, si jamais elle en avait les compétences. Pour JM Schléret, président de l’Observatoire, « on va perdre l’expertise et l’avantage de l’indépendance de l’Observatoire ».
Le projet de loi est passé en 1ère lecture au Sénat. Et le Sénat a supprimé cet article et a pris parti pour le maintien de l’Observatoire. IL arrive maintenant devant l’Assemblée nationale à partir du 28 septembre. L’opposition a déposé plusieurs amendements de rejet de l’article 7. Fait rare, quelques députés de la majorité également (Mme Tamarelle-Verhaeghe, M. Barbier, M. Besson-Moreau, M. Claireaux, M. Isaac-Sibille, Mme Louis, M. Martin, Mme Pételle, Mme Robert, M. Touraine, Mme Vidal, M. Zulesi, M. Anato et Mme Sarles).
Un amendement de plusieurs députés de la majorité propose de supprimer l’observatoire pour le remplacer par un conseil national de la santé scolaire. Mais ce conseil ne comporterait plus de représentants des syndicats de l’éducation nationale ni de représentants des parents d’élèves. Il perdrait beaucoup de ses liens avec le terrain et de sa liberté de parole.
Or c’est cette liberté bien installée de l’Observatoire qui répond du sérieux de son travail. « En 2008 la cabinet de X Darcos m’a demandé de ne pas publier le rapport sur les sanitaires des écoles. Allègre avait décidé de nous supprimer après la publication d’un rapport sur la sécurité dans les universités », nous a confié JM Schléret.
En 2020 JM Blanquer et le gouvernement semblent pressés d’en finir avec un Observatoire qui lance régulièrement des alertes. C’est cohérent avec la suppression des CHSCT déjà adoptée dans une loi. Mais c’est incohérent au regard de la situation sanitaire et sécuritaire du pays et aussi de ses ambitions pour l’école inclusive.
François Jarraud