Que faire dans sa classe lundi matin après les fusillades parisiennes ? Professeure de psychologie, spécialiste de l’école maternelle, Agnès Florin invite à laisser s’exprimer les enfants et à donner tout sa place au sens du collectif.
Lundi matin, les enseignants vont se retrouver à l’école face aux enfants. Quels conseils leur donner ?
Beaucoup d’enfants ont entendu parler des attentats. Ils ont vu à la télévision des scènes difficiles. Ils ont perçu l’inquiétude de leurs parents. D’autres ont été plus directement concernés par leurs proches. Certains se sont même retrouvés en situation de témoins.
Pour les enfants sans lien particulier avec les événements, il est important de leur donner la possibilité d’exprimer ce qu’ils appris ou vu à la télévision. Attention : il ne s’agit pas de les forcer à s’exprimer mais de leur donner la possibilité de le faire s’ils en ressentent le besoin.
Evitons de parler à leur place, de leur donner des explications ou des descriptions. Mais permettons leur de parler et échangeons avec eux.
Cet échange peut passer par la parole. Mais il peut aussi, pour les enfants moins enclins à verbaliser passer par d’autres moyens. Par exemple, par le dessin libre , ou par la manipulation de terre. Mais attention à ne pas forcer les enfants à s’exprimer s’ils n’en ressentent pas le besoin.
Après cette expression, le rôle du maitre c’est aussi de rassurer. Il faut parler de solidarité, de faire attention à soi et aux autres.
Il y a aussi des enfants qui ont vu ou entendu directement des choses parce qu’ils vivent dans les quartiers où les attentats ont eu lieu, ou qui ont été concernés par leurs proches. Quelle rôle peut avoir l’école ?
Pour eux il est important de s’exprimer. Mais cela ne relève pas que du scolaire. Il va falloir une aide psychologique en lien avec les enseignants, pour dépasser la peur et l’effroi que les enfants ressentent.
C’est indispensable que ces enfants trouvent le moyen de s’exprimer en compagnie d’adultes qui connaissent leur situation individuelle. Et là toutes les formes d’expression sont ouvertes. Ca peut être impossible pour un enfant de parler s’il a vu un cadavre par exemple. Il faut donc mobiliser d’autres formes d’expression.
Pour tous les enfants l’école reste un appui dans cette situation ?
Au delà de ce que les enseignants feront et diront, il faut bien garder en tête que l’école en soi soigne. Il faut retourner à l’école et que la vie normale reprenne. Que l’école reprenne le cours normal de son fonctionnement est important pour la sécurité psychologique des enfants.
Après la phase d’expression, l’école doit reprendre son rôle éducatif. Par exemple, après le dessin libre, on pourra passer à un dessin avec des contraintes pour passer à un désir plus contrôlé de création.
Les enseignants aussi sont eux aussi touchés émotionnellement par les événements. Quels conseils pouvez vous donner ?
Lundi va être le moment de réactiver le collectif. Les enseignants vont parler entre eux. Il est très important que personne ne se sente seul. Mais au-delà c’est le moment d’accueillir les parents à l’école. Pour les enfants c’est important de sentir la communication et l’attention envers eux de leurs parents et de leur enseignant. Lundi c’est vraiment le jour de l’école bienveillante.
Propos recueillis par François Jarraud